Opéra
Annick Massis est “La voix humaine” de l’Instant lyrique

Annick Massis est “La voix humaine” de l’Instant lyrique

17 February 2022 | PAR Yaël Hirsch

Ce mardi 15 février, à 20h, l’instant lyrique nous a, de manière grandiose, fait vivre une contre-Saint-Valentin. La soprano Annick Massis et le pianiste Antoine Palloc interprétaient une Voix humaine de Cocteau et Poulenc aussi magnifique qu’insoutenable !

Une intro inattendue

Plongée dans une pénombre bleutée, la salle Gaveau ressemble à une grotte mythologique où nous nous apprêtons à être suspendus au bout du téléphone avec et par la voix d’Annick Massis. Mais c’est toute de lune vêtue, apparition blanche et lumineuse, que la soprano commence la soirée avec une surprenante et réjouissante mise en bouche : le « Ah non credea mirarti » de La Sonnambula de Bellini, évidemment accompagnée par Antoine Palloc. Une puissance et une énergie qui viennent surprendre et ravir le public qui se lève pour applaudir !

Une puissante Voix Humaine 

Et c’est presque sans autre transition que le tombé d’une tunique, que l’on entre dans l’univers terrible et évidemment beaucoup plus contemporain de La Voix humaine de Poulenc. La pièce est de 1958 et le texte terrible de Cocteau – récemment redécouvert par le grand public avec Tilda Swinton chez Almodovar – date, lui, des années 1930. Du coup, exit le manteau de lune ; la robe de chambre de soir colorée des années folles apparaît et nous semblons découvrir les meubles du salon de l’héroïne de la Voix Humaine.

Pieds nus, elle incarne cette voix humaine entre deux fauteuils, un canapé, un salon imaginaire où marcher et, surtout, très matérialisé au-dessus de l’appareil qui torture : le fil qui la lie encore un bref moment à son amant. C’est parti pour 1h15 de rupture qui se joue comme une agonie : ils s’aiment depuis 5 ans. Elle attendait son appel. Elle réalise qu’il ne l’appelle pas de chez lui. Ça coupe, les dames du téléphone écoutent aussi la conversation, mais elles ont les deux sons de cloches. Nous public, n’entendons que sa voix à elle, la voix humaine, qui vit la brisure et l’humiliation profonde d’être quittée au téléphone pour une autre.

Une émotion contemporaine 

On se projette beaucoup dans cette voix qui supplie, qui dit son amour, sa peine, qui remercie même lorsqu’elle est foulée aux pieds. Antoine Palloc crée l’intensité et même le suspense avec le rythme. Annick Massis incarne et embrase son personnage d’amoureuse délaissée. On est dans un film noir, mais pas que et bien plus, car il y a aussi ces grands moments de lyrisme où Poulenc nous saisit au cœur du drame avant de reprendre l’espionnage de la technologie moderne. Une technologie qui, même sans fil et dans notre monde des réseaux sociaux et même du métavers, nous parle plus que jamais. La maîtrise absolue des deux artistes, l’alternance de parler et chanté sublimé par Annick Massis qui mâche ses mots quand il faut et les chante avec la plus grande puissance à l’acmé des phrases cinglantes et terribles de Cocteau. Quand, changeant de place pour essayer de trouver refuge sur un autre sofa, elle supplie l’aimé de ne pas emmener celle qui la remplace à l’hôtel où ils se sont aimés (« Ce que je n’imagine pas, n’existe pas »), l’on pleure pour elle…

Cet instant lyrique a été un très grand moment d’émotion et d’admiration pour la force et la puissance des deux interprètes. Visiblement très émue par son personnage, Annick Massis livre la clé de l’énigme de cette soirée : après une telle œuvre, elle ne se voyait pas offrir un bis. Antoine Palloc et elle l’ont donc donné aux spectateurs au début !

Le prochain instant lyrique, c’est toujours à la Salle Gaveau et c’est le 22 mars, avec deux ténors sinon rien : Lawrence Brownlee et Levy Sekgapane, accompagnés évidemment par Antoine Palloc.

Visuel (c) L’INSTANT LYRIQUE d’Annick Massis “La Voix Humaine” de Poulenc mardi 15 février 2022 à 20h30 à la Salle Gaveau © Olivia Kahler

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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