Opéra
Anna Netrebko conquiert (enfin) Orange !

Anna Netrebko conquiert (enfin) Orange !

26 July 2023 | PAR Paul Fourier

Pour la première fois, la Diva se produisait sur la grande scène du théâtre antique. Si elle était accompagnée, c’est bien grâce à elle que le concert a été amené à un niveau d’excellence.

Il est des noms qui remplissent des salles, celui de Netrebko est de ceux-là… Et, dès la première minute, l’on comprend pourquoi. Dans un tel cas de figure, le revers de la médaille, c’est que l’artiste, les organisateurs, agents ou autres peuvent tirer profit de la présence de la Star – locomotive, chercher à alléger son programme propre en multipliant les morceaux orchestraux (ce ne fut le cas à Orange) ou en invitant des comparses.
Sachant que ce qui fait le grand intérêt (et le prix !) de la soirée est fondé sur la présence de la vedette, la moindre des choses serait d’user de ce dernier artifice avec mesure… Ce qui ne fut pas vraiment le cas : sur 12 morceaux, Anna Netrebko a assuré 2 airs en solo et a participé à un quatuor, deux trios et un duo.

Était-il, par ailleurs, indispensable, alors que le concert s’intitulait Gala Verdi (avec Anna Netrebko et Yusif Eyvazov) d’accorder un solo au baryton et un à la mezzo-soprano, (artiste sur laquelle, par clémence, nous nous abstiendrons de donner un avis ici ) ?

Il y avait, également, matière à dire sur la composition du programme. Quel intérêt y avait-il à donner deux airs de Rigoletto, opéra qui n’appartient pas au répertoire naturel du couple star ? Enfin, si le long duo « Invano Alvaro, ti celasti al mondo » de La forza del destino » est un passage-clef dans cet opéra, sorti de son contexte, sans surtitres et avec deux chanteurs moyens, il perd singulièrement de son intérêt.

Même dans une (relative) économie, la Diva fut divine…

Après ces remarques, passons au fait incontestable de la soirée : Anna Netrebko sur scène, c’est la certitude de moments de magie.
Certes, débuter avec l’air d’entrée de la Lady de Macbeth n’était pas la meilleure idée, car la voix, insuffisamment échauffée, mettait en évidence tant un vibrato marqué que des vocalises particulièrement pâteuses.

Mais ce qui s’imposa alors immédiatement, ce fut la capacité de la Netrebko à prendre possession d’un espace, à le « vampiriser » avec génie. Dans une sublime robe rouge, cape au vent, elle s’appropriait la gigantesque scène, se rapprochant du mur, jouant avec les retours de sons, et l’on se prenait déjà à rêver qu’elle puisse, bientôt, nous ensorceler dans un opéra complet, d’autant que ce serait une première pour la soprano.

Ensuite, comme l’on pouvait s’y attendre, ce sont ses rôles habituels qui l’ont montrée époustouflante avec ce timbre d’or, ce souffle fabuleux et cette appropriation unique des rôles. Le duo du Trouvère (« Udiste ? Come albeggi ») avec le Comte de Luna de Elchin Azizov était survolté et la scène finale de l’acte I (avec Yusif Eyvazov en sus) du même métal.
Le Pace, pace mio Dio de La forza del destino était, par la suite, un moment de grâce même si on l’a déjà entendue meilleure (notamment à Paris en décembre dernier) dans l’exercice. Ceci étant… si peu d’artistes osent cet air en concert et ELLE l’ose.

Enfin, sans conteste, alors que Netrebko et Eyvazov sont actuellement à Vérone, à l’occasion du centenaire du festival, pour la nouvelle production d’Aïda, le duo final de l’opéra de Verdi allait culminer sur des cimes anthologiques. Les pierres du théâtre antique s’accordaient alors à la scène du tombeau et Netrebko montrait là – ce qui fut modérément le cas de son mari – sa capacité à alléger sa voix tout en restant en possession de l’immense amphithéâtre.

Bien qu’irréprochable, Yusif Eyvazov s’est situé, en cette soirée, nettement en-deçà de la prestation de Netrebko. On sait qu’au contact de son épouse, il s’est considérablement amélioré ces dernières années ; ses qualités sont importantes, sa vaillance est à toute épreuve, son souffle impressionnant et il possède une certaine « classe » en scène. De surcroît, comme souvent, le ténor était, ce soir, au mieux de sa forme. Mais, il n’y a pas non plus de surprise à dire que le timbre reste peu gracieux et que le chant monolithique, notamment dans le registre forte, avec des aigus exagérément ouverts, rend certains de ses airs assez monotones.
L’air du Duc de Rigoletto était peu convaincant, voire hors de propos, celui d’Alvaro de La forza del destino, certes spectaculaire, mais pas inoubliable, pas plus que le duo du même opéra. Ce n’est finalement que dans Aïda, lorsqu’il fut accompagné de Madame, qu’il eut le loisir, en jouant de son souffle impressionnant, de plier son instrument et apporter alors nuances et émotions.

Elchin Azizov est globalement un baryton qui a toutes les qualités pour chanter les grands rôles de Verdi. Mais, puisque l’on donnait Rigoletto, il eût été plus logique de l’entendre dans cet opéra que dans Il Ballo in maschera. C’est donc en Comte de Luna du Trovatore, accompagné de Netrebko, qu’il a montré sa réelle adéquation avec ce répertoire.

Enfin, même si on était là pour la diva et les solistes, force est de constater que l’on a connu l’Orchestre Philharmonique de Nice mieux dirigé qu’avec Michelangelo Mazza qui s’est borné à les accompagner, en faisant ressortir, parfois inutilement, certains instruments comme les cuivres et les percussions… Cela n’a pas rehaussé le prestige du seul extrait purement orchestral donné ce soir, à savoir le ballet d’Otello (ballet créé, en 1894, pour sa création parisienne) qui s’est avéré être un morceau peu passionnant dont on comprend aisément la coupure quasi systématique…

Ce soir, bon nombre de spectateurs n’avaient probablement jamais dû entendre la Diva Netrebko en live et apprécier sa considérable « force de frappe ». Quelles que soient les réserves, à entendre les ovations, le choc a été à la hauteur de l’évènement et, ainsi comblés, beaucoup se souviendront longtemps de cette soirée.

Visuels : © Paul Fourier

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Paul Fourier

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