Opéra
La vie parisienne se joue dans une gaité délirante au Théâtre des Champs-Elysées

La vie parisienne se joue dans une gaité délirante au Théâtre des Champs-Elysées

26 December 2021 | PAR Victoria Okada

Jusqu’au 9 janvier, La Vie Parisienne d’Offenbach dans une mise en scène de Christian Lacroix fait fureur au Théâtre des Champs-Elysées. Dans cette version d’une longueur inhabituelle, des airs et des scènes inédits alternent avec des musiques et des paroles bien connues, dans une gaieté délirante.

La nouvelle production de La Vie Parisienne, déjà présentée en novembre à Rouen et au début décembre à Tour avec grand succès, a atterrit à Paris le 21 décembre. Dès lors, elle va de réussite en réussite. Pour le public mélomane, la présence d’artistes francophones rompus dans l’exercice du répertoire (à la fois excellents chanteurs et comédiens) est un bonheur, alors que pour les néophytes qui souhaitent passer une bonne soirée, les costumes et les décors de Christian Lacroix qui réalise à cette occasion sa première mise en scène, est un véritable plaisir pour les yeux.

Une version « initiale »

Cette version « initiale » de 1866, constituée d’après plusieurs sources inédites par l’équipe du Palazzetto Bru Zane, est un parti pris audacieux qui provoque une certaine divergence d’opinions. Sans entrer dans les détails (car une telle polémique musicologique n’est pas l’objet de notre compte rendu), notons simplement que la partition est disparate et la représentation devient par conséquent trop longue ; l’acte V donne ici une impression d’un superflu et on a envie d’un rythme plus allant dans les deux derniers actes après l’entracte. Malgré tout, globalement, la présente version offre au spectateur une soirée festive. La bonne humeur qui règne dans la musique et la beauté des scènes avec beaucoup de touches de folie, ainsi que les dialogues et les situations invraisemblables, provoquent une gaieté collective qui est la bienvenue en ce temps morose.

La mise en scène de Christian Lacroix

Christian Lacroix, qui dessine des costumes de théâtres dès les années 1980 et qui s’est ensuite mis à ceux d’opéras, avait assisté à maintes et maintes répétitions. Dans sa mise en scène, il a cerné le secret du rythme et de timing dans l’enchainement de dialogues, entre les deux scènes, dans l’ensemble des actes. Ainsi, cette Vie Parisienne ne souffre d’un seul temps mort. La présence des deux collaborateurs, Laurent Delvert et Romain Gilbert, lui est sûrement plus que précieuse, et la chorégraphe Glysleïn Lefever le décharge d’une partie importante du travail en animant constamment la scène. Une profusion de costumes — beaucoup d’entre eux ont été directement inspirés de dessins d’époque — évoque une haute société d’autrefois régie par des codes, ces codes dont Offenbach et surtout ses librettistes se moquent à fond. Mais d’autres costumes modernes semblent rappeler qu’une histoire aussi invraisemblable qu’absurde n’appartient pas uniquement au passé…

Esprit de troupe

L’œuvre se joue tous les soirs en alternance des deux distributions. Nous avons assisté à la deuxième qui, au début, semblait un peu timide. Dans cette timidité, Marc Mauillon se montre d’emblée très engagé dans son rôle de Bobinet et reste extrêmement égal de bout en bout, en tant que chanteur aussi bien que comédien. Eléonore Pancrazi s’amuse bien dans la peau de Metella en offrant le chanté et le parlé aboutis, alors que Franck Laguérinel s’éclate à fond dans le ridicule du Baron.
Flannan Obé (Gardefeu) et Damien Bigourdan (Le Brésilien / Gontran / Frick le bottier), tous les deux habituellement bons comédiens, ne l’étaient pas encore ce soir en matière de chant, à cause, soit de projection timorée ou forcée, soit de quelques décalages avec l’orchestre. Très remarquée dans Le Postillon de Longjumeau aux côtés de Michael Spyars, ou encore dans Phryné de Saint-Saëns (dont la sortie du disque est prévue en février prochain), Florie Valiquette était elle aussi un peu timide en chantant Gabrielle, tout comme Marion Grange en La Baronne. Était-ce la tension de la première (il s’agissait en effet de la première représentation pour cette distribution) ? On trouvait effectivement plus de dynamisme vocal dans les « petits rôles » en distribution unique : Laurent Kubla (Urbain et Alfred) et dans l’air d’Urbain ; Carl Ghazarossian (Joseph / Alphonse / Prosper) dans le trio militaire avec Urbain et Le Baron (acte III) ; Louise Pingeot (Clara), Marie Kalinine (Bertha), et notamment Elena Galitskaya (Pauline) qui se distingue dans l’air « Nous les femmes » et le duo avec Le Baron dans l’acte III ; enfin, Ingrid Perruche (Madame de Quimper-Karadec) et Caroline Meng (Madame de Folle-Verdure) donnent des répliques vaudevillesques merveilleusement rendues. Ces chanteurs dont la plupart les habitués des productions de Bru Zane, assurent une bonne qualité de représentation dans un véritable esprit de troupe.

Le chœur et l’orchestre à cœur joie sous la direction de Romain Dumas

L’excellent Chœur de chambre de Namur joue la foule avec autant de plaisir (notamment en invités, allemands et marseillaises). Dans la fosse, Les Musiciens du Louvre qui intègrent des instrumentistes de leur Académie, en partenariat avec le Jeune Orchestre Atlantique, assurent sans faille quatre heures de représentation. À noter particulièrement une belle évocation de la nature avec la flûte et la clarinette lors du duo « Et s’en va vers le pays bleu ! » entre Pauline et Le Baron, tout comme les percussions (la grosse caisse) qui ponctuent la partition avec des accents comiques, ainsi que les vents qui assurent le contretemps typiquement offenbachien ! Le chœur et l’orchestre s’en donnent à cœur joie sous la direction jeune et infatigable chef Romain Dumas (actuellement chef assistant à l’Opéra National de Bordeaux) sans qui aucune représentation n’aura eu lieu.

Jusqu’au 9 janvier au Théâtre des Champs-Elysées 

photos © Marine Pétry

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