Opéra
“Alcina” : la reine Magdalena Kozena enflamme l’Auditorium de Bordeaux

“Alcina” : la reine Magdalena Kozena enflamme l’Auditorium de Bordeaux

14 February 2023 | PAR Hélène Biard

L’Alcina de Georg Friedrich Haendel (1685-1759) fait partie des fleurons de l’opéra baroque. Magdalena Kozena, qui tient le rôle-titre dans la version concert donnée par Les Musiciens du Louvre à l’Auditorium de Bordeaux, a reçu une ovation largement méritée en fin de soirée.

Si Marc Minkowski a quitté la direction générale de l’Opéra national de Bordeaux, il continue à y venir en tant que chef d’orchestre. C’est avec Les Musiciens du Louvre (orchestre et chœur) qu’il est reparti en tournée ; et avec Alcina il a programmé un opéra qui a fait date dans l’histoire de la musique. Pour défendre ce chef-d’œuvre de Haendel, il a invité l’une des meilleures mezzo-sopranos de sa génération : Magdalena Kozena. Et nous n’avons pas été déçus tant la mezzo tchèque n’a fait qu’une bouchée de la maléfique magicienne.

Un orchestre et un chœur au top

Depuis leur création en 1982, Les Musiciens du Louvre sont devenus un orchestre incontournable dans le paysage musical français et européen. Et Marc Minkowski, qui en est à l’origine, poursuit inlassablement son travail de recherche musicologique tout en programmant des chefs-d’œuvre du répertoire.

Dès les premières notes de l’ouverture d’Alcina, Minkowski prend les choses en main : sa direction est ferme, nerveuse, précise, les tempos et les nuances sont quasi parfaits. Les musiciens de l’orchestre, visiblement très en forme, suivent leur chef avec une précision millimétrée. Quant au chœur, c’est plutôt un ensemble vocal essentiellement masculin renforcé par les solistes dans ses rares interventions, il est parfaitement préparé et donne le meilleur de lui-même. Nous tenons également à saluer les très belles interventions solistes de Alice Piérot, la première violon et de Gauthier Broutin, premier violoncelle et basse continue, qui ont chacun accompagné Erin Morley dans deux de ses airs ; et les ovations qu’ils ont reçues étaient grandement méritées.

Une brochette de solistes exceptionnels

Marc Minkowski a frappé fort en invitant des solistes exceptionnels. S’ils sont tous brillants, le joyau de cette distribution hors norme est bien la très belle meezzo tchèque Magdalena Kozena. Elle campe une Alcina véritablement maléfique et sans aucun scrupule ; elle fait passer la magicienne par une large palette de sentiments. La voix impeccablement maîtrisée résonne partout dans l’auditorium même dans les pianissimi ; la soprano livre une performance magistrale, elle interprète ses airs que le public accompagne chacune de ses sorties d’applaudissements enthousiastes.

Anna Bonitatibus qui incarne Ruggiero, n’est pas en reste et se montre sous son meilleur jour. Nous avons là un Ruggiero remarquable qui joue à la perfection « les toutous » d’Alcina avant de retrouver la raison grâce à Melisso qui lui donne la bague qui le délivre de l’enchantement d’Alcina. Si on peut regretter un abus de nuances piano dans un ou deux des arias qui lui sont dévolues, la performance de Bonitatibus reste excellente notamment dans « Verdi prati ».

Erin Morley est une Morgana de toute beauté ; dès sa première intervention, Morley montre une forte personnalité pendant toute la soirée elle fait passer Morgana par une large palette de sentiments. Morgana a elle aussi plusieurs très beaux airs. C’est bien « Tornami a vaghegiar » qui attire l’attention d’un public conquis.

La mezzo-soprano Elizabeth DeShong incarne une très belle Bradamante. Si la voix est plus proche de l’alto que du mezzo, DeShong fait merveille dans un rôle ingrat, puisque pour retrouver son cher Rugiero, la jeune femme se fait passer pour son frère Ricciardo. Dans les ensembles comme dans les airs que Haendel a composés pour Bradamante, la mezzo-soprano américaine a conquis un public enthousiaste à chacune de ses apparitions.

Valério Contaldo est un Oronte séduisant et ne démérite pas face à ses collègues féminines. Alex Rosen (Melisso) et Aloïs Mülbacher (Oberto) complètent avec bonheur une distribution 5 étoiles.

C’est une Alcina de très haute volée à laquelle nous avons assisté en ce froid jeudi soir de février. L’immense ovation reçue par l’ensemble des artistes était grandement méritée tant chacun, surmotivé par l’Acina magistrale de Magdalena Kozena, a interprété le chef-d’œuvre de Haendel avec talent. Il est à noter que le concert de jeudi a été enregistré en vue d’une parution en CD prévue début 2024 sous le label Pentatone.

Visuels : Magdalena Kozena © Julia Wesely ; Marc Minkowski © Franck Ferville

 
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Hélène Biard

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