Opéra
La Périchole donne le ton de la fête au TCE

La Périchole donne le ton de la fête au TCE

17 November 2022 | PAR Victoria Okada

Offenbach fait vibrer à nouveau les murs du Théâtre des Champs-Élysées. Le spectacle est mené par le tandem mythique Marc Minkowski – Laurent Pelly qui, dans les années 1990, a lancé une nouvelle jeunesse pour le compositeur. Du punk à la dictature appuyée sur le culte de la personnalité au pouvoir, cette version de La Périchole trouve un écho indéniable à notre temps.

Cohérence scénique

Alors que le souvenir des récentes représentations de l’Opéra-Comique est encore frais, le Théâtre des Champs-Élysées, en coproduction avec le Palazzetto Bru Zane et trois autres opéras*, présente, comme l’a fait la salle Favart, la version de 1874. Laurent Pelly, grand maître de la transposition de l’intrigue vers notre temps, imagine le couple de chanteurs comme deux SDF (presque) punks. Dans un quartier populaire de Lima, les trois cousines sont des commères plutôt vieilles filles qui ne se soucient plus guère de leurs lignes. Dans son palais, le vice-roi dictateur entretient une cour de courtisanes. Celles-ci, pourvues d’un fort mauvais accent parisien, toutes habillées en robe à crinoline en argent comme des poupées Barbie, ressemblent à des influenceuses de mode. Ces personnages, bien que fictifs, sont présents dans notre quotidien et l’histoire de La Périchole devient un reflet de notre société. Mais sur la scène, tout finit forcément bien et en chansons.
La scénographie de Chantal Thomas est toujours ingénieuse, alors que les textes parlés copieusement actualisés  par Agathe Mélinand, tout en respectant l’esprit des illustres prédécesseurs que sont Meilhac et Halévy, s’intègrent tout à fait naturellement.
L’ensemble présente une cohérence scénique fascinante et propose ainsi une belle leçon de style.

Le trio réjouissant

Dans cette deuxième distribution, Marina Viotti, Stanislas de Barbeyrac et Alexandre Duhamel brillent dans leurs incarnations réjouissantes du couple La Périchole – Piquillo et du vice-roi Don Andres de Ribeira. Marina Viotti, qui a ravi les lyricomanes avec son récent CD dédié à Pauline Viardot (avec Christophe Rousset et Les Talens Lyriques) séduit dans son look de punk. Il est inattendu d’entendre sa voix veloutée et dramatique dans le rôle de La Périchole, mais son timbre intense se prête bien au caractère trempé du personnage, notamment parce qu’elle s’amuse dans la peau de cette chanteuse de rue ! Même surprise chez Stanislas de Barbeyrac, qui prend très au sérieux le côté « bête » et enfantin de l’homme. Il nous offre le bonheur assuré d’un chant français irréprochable, avec notamment un superbe élancé vocal dans l’air au début de l’acte III. Quant à Alexandre Duhamel, il y a de quoi se régaler de son talent de comédien aussi bien que de son phrasé naturellement dessiné. Dans le trio du joli geôlier dans le même acte, le refrain « et tin tin tin et tin tin tin ! » met tout le monde de bonne humeur en un symbole de spectacles offenbachiens comme rares savent vraiment y parvenir.

Les secondes rôles bien incarnés

Les secondes rôles sont aussi bien incarnés que le trio principal. Eléonore Pancrazi, Alix Le Saux et Chloé Briot forment un trio de cousines déjantées (qui chantent aussi des filles de la cour du vice-roi), Natalie Perez, Rodolphe Briand et Lionel Lhote assument parfaitement leurs rôles respectifs (Berginella/Ninetta, Le Comte Miguel de Panatellas, Don Pedro de Hinoyosa). Si, de manière générale, un peu de clarté dans le parler est plus heureuse chez les dames, les messieurs, bien rompus dans ce répertoire, apportent, eux, plus de gaîté à l’ensemble.

L’orchestre et le chœur énergiques et homogènes

Sous la direction dynamique de Marc Minkowski, Les Musiciens du Louvre retrouvent le compositeur et explorent l’énergie innée de la partition. Cette énergie, tantôt douce tantôt explosive, est particulièrement bien servie dans les musiques d’entracte qui, pendant le changement de décors, tiennent parfaitement le public en haleine sans saynètes. Le chœur de l’Opéra National de Bordeaux est en pleine forme : l’homogénéité des choristes ainsi que leurs investissements sont remarquables pour offrir la meilleure des dimensions pour cet opéra-bouffe.

Certes, La Périchole cède la place de spectacle de fin d’année au Ballet national d’Ukraine, mais elle donne déjà un ton de fête jusqu’au 27 novembre.

Informations et réservations

* Opéra Royal de Wallonie, Opéra de Dijon et Opéra de Toulon

 

visuels : Vincent Pontet 

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Victoria Okada

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