Danse
“Sur le carreau”, les apparitions essentielles d’Yves-Noël Genod

“Sur le carreau”, les apparitions essentielles d’Yves-Noël Genod

17 January 2021 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Yves Noël Genod aurait dû, dans le cadre du Festival Faits d’Hiver, présenter Sur le carreau les 30 et 31 janvier… au Carreau du Temple. Le festival est annulé mais le performeur, danseur, acteur ne manque pas d’idées. Le spectacle sera à voir par les pros le 31 à 15h, mais pas seulement.

Et si répéter était faire ?

Ce qui caractérise le travail de Genod ce sont les apparitions. Nous les appelons comme cela, mais “surgissement” marche aussi. Lui qui sait faire danser la brumequi peut nous asseoir au coin du feu, nous faire pleurer sur Julio Iglesias ou atteindre notre inconscient dans une cérémonie de spiritisme si chère au XIXe n’allait pas se laisser faire par le mépris d’Etat vis à vis de la culture. Alors, le “spectacle” a bougé et l’idée est venue que la répétition (puisque ça, c’est autorisé, de façon ubuesque ; il faut répéter dans le vide) et la représentation fusionnent. Et dans le même mouvement, que le spectateur et l’acteur soit une seule entité. C’est à dire que pour voir Sur le Carreau, le mieux, c’est encore d’en faire partie.

Un spectacle monde “beau, très très beau”

Quand nous arrivons ce jour là au Carreau du Temple, Yves-Noël vient de passer deux heures avec une troupe très mixte. Elle se compose de plusieurs dizaines de danseurs, garçons et filles, jeunes et vieux, pros et amateurs. Il explique son projet en citant Hegel et l’idée que “le vivant est un éternel écoulement”. Sur le carreau questionne la relation à l’espace et une redéfinition du collectif. Il s’agit de “voir tout le monde”, de constituer un “Troupeau dont on voit les individus”. 

Tout le monde est habillé de façon colorée voire très colorée. Et cette idée de masse fonctionne. Chaque danseur est repérable et pourtant tout avance dans une même direction. Ce sont alors, thème cher à Yves-No, les “accidents” qui font naître de la beauté, de la surprise ou une évidence. 

Une dernière fois

On va le faire, on va citer Corneille (le chanteur) ici, dans un papier sur un artiste qui a Duras comme muse. Mais on ne pas dire qu’il faut vivre “chaque jour comme le dernier” sans avoir cette mélodie-là en tête ! Et c’est ça que fait Sur le carreau : donner l’occasion de vivre ce jour comme le dernier. Puisque c’est la réalité. Puisque l’Etat muselle la culture, rien n’est sûr. Est-ce que les représentations réduites au seul public pro le dimanche 31 à 15h auront lieu? Personne ne peut le prédire. Cela donne à l’instant présent une saveur assez particulière. Faire matière de ce que l’on a, créer dans une connexion immédiate avec le moment.

Immersions et saluts

Il s’agit “juste” de traverser, et sur son passage de s’accrocher au mouvement d’un autre. Puis, la réaction en chaîne se fait, le groupe se crée et devient unité. Mais si le regard se promène, on voit un garçon en chemise jaune en soie avec une lavallière se bander les yeux, danser la folie et partir comme si de rien n’était; une jeune femme en académique en velours violet avancer à terre comme une louve et passer par dessus ceux qui s’étalent sur son passage. Et puis, comme souvent dans les spectacles d’Yves-Noël Genod, les saluts ne sont qu’un début et ici, sans que l’on comprenne comment, cela est arrivé, comme d’un coup, tous sont en ligne prêts à saluer avant que tout recommence encore, comme une boucle.

Ce qui ne change pas par rapport à l’idée de départ c’est que seule la lumière du jour devait intervenir, il faut faire avec l’aléatoire de la verrière et avec le son de cet espace immense. Cela ajoute pas mal à l’inattendu.

Sur le Carreau est un temps suspendu, particulièrement hors du temps et pourtant, totalement dans l’air du temps. C’est peut être cela le plus fou en repensant à ce spectacle dont tout se rejoue à chaque fois. L’improvisation, dirigée, serait-elle la seule issue pour le monde culturel anéanti, pour revivre, survivre? C’est une idée sérieuse.

Visuel : ©Amélie Blaustein Niddam

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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