
Anne Alvaro créé un Hamlet singulier
Gérard Watkins a traduit la plus jouée des pièces de Shakespeare. Il invente aidé par le jeu saisissant de Anne Alvaro un Hamlet violent et sombre mais perspicace, au plus près de notre époque.
Gérard Watkins ose. Il re-traduit Hamlet de Shakespeare, respecte la parité de la troupe, offre à Anna Alvaro le personnage d’Hamlet, ajoute une bande son rock à base de The Who. Il ose.
L’intrigue
Hamlet, c’est l’histoire d’un prince du royaume du Danemark, qui sur les remparts de son château entend le fantôme de son père lui révéler que le roi actuel, son oncle l’a fait assassiner pour s’emparer du trône. Le spectre réclame donc vengeance auprès de son fils. Pourtant, Hamlet est un homme fait pour le maniement des idées plutôt que pour celui des hommes et de leurs intrigues.
Le monde est pourri.
Gérard Watkins a traduit la célèbre tragédie de William Shakespeare dans une langue moderne ; il s’est efforcé de faire entendre le sens des mots. Ainsi, le spectre est de retour ! Créé au TnBA (ou nous avons pu le découvrir lors d’une représentation réservée à a presse) Watkins ose une mise en scène rock et en même temps neurasthénique du chef d’œuvre de Shakespeare ; il restitue dans l’actuel notre monde hanté par la violence. Le Hamlet de Watkins se plante au creux de notre temps. Tout commence par une danse sur une musique de rock; notre monde est pourri et décadent. La génération qui a connu les succès des Who se retrouve engluée dans les conflits qui grondent. En regard, le Danemark va entrer en guerre ; le roi Hamlet est mort assassiné ; son fils Hamlet (Anne Alavaro) est inconsolable. Son oncle Claudius (Gérard Watkins) a pris le trône et a épousé sa mère, veuve du défunt roi. Hamlet décrit un monde devenu fou où couve la guerre entre les nations, entre les sexes, entre les générations : ce monde contemporain atone que nous connaissons où les ressentiments allument le feux des revendications. Face à cette folie du monde, la folie de Hamlet sert de métaphore. Pièce de tous les excès, Hamlet est, de tous les textes de Shakespeare, celui qui va le plus dans l’exploration de la violence, violence du monde qui, hier comme aujourd’hui, paralyse les consciences, jusqu’à déclencher en retour la violence incontrôlable des hommes.
Watkins veut rendre compte des débordements. Il choisit la boursouflure de la musique rock pour la décrire mais aussi la retenue neurasthénique, procastinatrice et tout simplement anxieuse du jeune Hamlet pour la faire entendre en creux. Anne Alvaro mi-somnambule mi-édifiée déroule l’équation avec justesse et générosité. Le monologue To Be or not to be, moment de grâce, devient chez Watkins une adresse au public, du bord du proscenium ; nous sommes à la place du crâne, des morts, du monde.
Les morts se succèdent sans que rien ne semble entamer les êtres. La scène finale devient chez Watkins improbable, quasi inutile car le meurtre est partout, tout le temps.
Un Hamlet singulier et essentiel à découvrir.
Hamlet, texte Shakespeare, traduction et mise en scène Gérard Watkins. Durée 3h05. Tournée supposée : Du 14 janvier au 14 février 2021 : La Tempête – Paris. Les 21 et 22 avril 2021 : La Comédie – CDN de Caen
Crédit Photo© Pierre Planchenault