Danse
Marcela Levi et Lucia Russo font transpirer les stéréotypes au Festival d’Automne

Marcela Levi et Lucia Russo font transpirer les stéréotypes au Festival d’Automne

09 September 2021 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Le Portrait Lia Rodrigues du Festival d’Automne s’ouvre par la découverte du corps à chaud de Tamires Costa : Let it burn !

Lia Rodrigues est une chorégraphe brésilienne qui utilise la danse comme arme sociale et politique. Elle a fondé, il y a 30 ans, sa compagnie basée au sein d’une favela, Maré. C’est ce qui s’appelle faire de l’action sociale, de la vraie. Et son portrait est comme son projet : généreux. Il se caractérise par la présence d’une dizaine de noms au générique dont nous n’avions jamais entendu parler. C’est simple, elle utilise l’opportunité que lui offre le Festival d’Automne pour faire briller des artistes brésiliens avec lesquels elle a souvent travaillé.

Ce portrait pluriel s’ouvrait ce mercredi 8 septembre avec la découverte d’un duo de chorégraphes : Marcela Levi et Lucia Russo et surtout d’une incroyable danseuse, Tamires Costa qui participe à la création de cette pièce, Let it burn.

Tout commence très bien. Lorsqu’on entre dans le studio de l’Espace Cardin où se trouve désormais le Théâtre de la Ville, la chaleur est à son comble. D’abord parce que la journée a été estivale, mais surtout parce que Tamires Costa transpire déjà franchement au son de la batucada. Elle est en tee-shirt noir, cheveux tirés et culotte large rose, prête à en découdre. Le rythme est plus que rapide. Elle le tient et elle le tiendra tout du long. 

Elle accumule les gestes d’abord au son des percussions, puis dans le silence (et c’est là que la pièce est la plus dérangeante, la plus forte) pour ensuite les glisser comme dans une collection reliée à des  thèmes musicaux iconiques. On comprend alors le propos de la pièce qui est d’interroger la façon dont nous regardons ce corps-là bouger. “Quels stéréotypes véhiculons-nous?” semble questionner la chorégraphie.

Les pas sont avant tout ceux de la samba, au niveau des jambes. Le haut du corps est lâché, surtout les bras, comme dans la danse africaine. Ça c’est la base, et au-dessus, se placent des ingrédients : se mettre du rouge à lèvres, se défendre les doigts pointés comme des flingues, rouler des yeux…

Tamires Costa a tout des plus grandes. Elle sait bouger en passant d’un état à un autre et jouer de ses attitudes comme au théâtre. Elle flirte même avec le clown et les dessins animés. Le résultat est émotif et léger en même temps. 

Finalement, la tension se relâche trop tôt et cela est lié à l’écriture de la pièce qui, malgré tout, garde une structure bien trop classique de saynètes et de tableaux. Si le premier est une apparition qui nous transporte (l’intro de “Thriller” de Jackson, tout de même !), la répétition des images nous lasse. Sont convoqués entre autres Joséphine Baker, Valeska Gert, Thelonious Monk  et malheureusement, la citation volontairement reconnaissable, perd son but de dénonciation du regard porté sur un corps. 

La découverte de cette interprète magistrale vaut le détour, mais la construction de la pièce est à repenser pour atteindre son but politique de déconstruction raciste.

Présenté au Festival d’Automne, au Théâtre de la Ville et avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès, jusqu’au 12 septembre. 

Visuel : “Let it Burn” de Marcela Levi et Lucía Russo © Paula Kossatz

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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