Danse
Le Ballet de l’Opéra de Lyon à son apogée dans un programme Pontvianne/Forsythe au Centquatre

Le Ballet de l’Opéra de Lyon à son apogée dans un programme Pontvianne/Forsythe au Centquatre

10 May 2023 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Le festival Séquence Danse se poursuit avec, jusqu’au 11 mai, la reprise de la pièce fondamentale de William Forsythe, One flat thing, reproduced accompagnée d’une œuvre méconnue du maître, N.N.N.N et de la dernière proposition, très élégante, de Pierre Pontvianne, Beast Poem. Époustouflant.

Ce très beau programme rappelle à quel point Julie Guibert a tant fait pour amener les écritures contemporaines de façon pérenne au Ballet de l’Opéra de Lyon. Sa succession par Cédric Andrieux ne laisse planer aucun doute, cela va continuer de la sorte ! On se réjouissait donc fort de se retrouver ce 9 mai dans la nef du Centquatre pour découvrir ces trois pièces, dont deux inconnues pour nous.

La première, Beast Poem, est une leçon de chic. Dans une lumière rouge-colère, tous les danseurs et toutes les danseuses apparaissent uniformes. Marie Albert, Eleonora Campello, Alvaro Dule, Paul Grégoire, Caelyn Knight, Lore Pryszo, Leoannis Pupo-Guillen, Anna Romanova, Raúl Serrano Núñez, Merel Van Heeswijk et Paul Vezin ont l’air d’être absolument les mêmes, habillés pareil. Mais, plus la pièce avance, plus la diversité se fait. Ils et elles sont absolument multiples. Diversités d’âges, de corps et de tenues également. L’allure est militaire. Leurs combats sont collectifs. Ils sont faits de vagues qui se parent de sac et de ressac dans des alignements de dos hallucinants et des ouvertures de hanches à vous rendre jaloux. L’image a beau être violente, sa réception est douce, tranquille. Les interprètes dansent au rythme de la voix d’Ikram Benchrif qui lit son poème, Beast poem, en arabe. Nous ne comprenons pas ce qui est dit, il reste le souffle, les silences, les respirations, qui sont autant de repères pour les artistes. Ils et elles fonctionnent par groupes plus ou moins grands et semblent ne presque jamais se lâcher. Un bémol tout de même. Un personnage semblant représenter le monde d’avant reste presque figé pendant toute la pièce sans rien apporter au propos. Cet effet-là tombe à plat, mais la proposition tient par son élégance et sa belle réalisation.

La question de ne jamais se lâcher est au cœur de la seconde partie de la soirée, N.N.N.N (2002). Brendan Evans, Yan Leiva, Albert Nikolli et Raúl Serrano Núñez se livrent à un pas de quatre, dont la phrase de base se résume à réceptionner sa propre main. A partir de là, tout est possible. Ils s’attrapent, passent les uns sous les autres sans se lâcher, retrouvent leur place avec une dextérité et une rapidité étonnantes. Le résultat est très drôle. La musique arythmique de Thom Willems laisse souvent la place au souffle de plus en plus intense des danseurs. Leurs respirations donnent le tempo, ce sont elles qui permettent aux nombreux contrepoints de se réaliser. La partition s’accélère pour imposer aux danseurs des torsions qui doivent toujours, chez le grand Will, retrouver leur ligne, jusqu’à les croiser au point de s’emmêler les uns aux autres.

Cette soirée tout en crescendo se termine en feu d’artifice avec l’iconique One Flat Thing, reproduced (2000). Il s’agit d’un exercice de style aussi ardu que dément. Une dizaine de tables blanches occupent tout l’espace. Les danseurs et les danseuses en tee-shirts colorés et pantalons de sport vont tous et toutes s’y attaquer pour les chevaucher, faufiler entre elles, passer en dessous. Les corps des uns sont tirés par les autres dans un flow fou, rythmé par la musique métallique de Thom Willems. Encore une fois, ce triple programme est guidé par les mains qu’il ne faut jamais lâcher. Et ici, c’est sérieux, cela tient de la micro seconde, si l’un n’est pas en place, l’autre tombe.

Edi Blloshmi, Noëllie Conjeaud, Katrien De Bakker, Abril Diaz, Alvaro Dule, Jackson Haywood, Maeva Lassere, Lore Pryszo, Yan Leiva, Albert Nikolli, Leoannis Pupo-Guillen, Anna Romanova, Erik Sosa Sanchez, Merel Van Heeswijk et Paul Vezin sont ultra soudés dans cette machine infernale, cette danse à la chaîne, comme à l’usine où si un faillit, tout s’effondre. Évidemment, l’impeccable Ballet de Lyon n’a pas fait la moindre erreur.

Brillant !

A voir au Centquatre les 10 et 11 mai à 21h. Informations et réservations.

Visuel : affiche 

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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