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Printemps des arts de Monte-Carlo, un week-end chambriste

Printemps des arts de Monte-Carlo, un week-end chambriste

21 March 2023 | PAR Victoria Okada

Le festival Printemps des arts de Monte-Carlo consacre son deuxième week-end à des formations intimes, d’un récital d’orgue à un ensemble baroque, en passant par un trio flûte-alto-harpe et un duo violoncelle et piano.

Une soirée transcription-réécriture-réinterprétation par Le Trio Bernold

Flûte-alto-harpe ; si la Sonate de Debussy vient immédiatement à l’esprit, ce n’est pas tous les jours qu’on assiste à un concert entièrement construit à partir de cette formation. Philippe Bernold, Lise Berthaud et Anaïs Gaudemard concoctent un programme qui va de Bach à Kurtag autour de ladite Sonate. Une transcription de Children’s Corner par le harpiste Carlos Salzedo (1885-1961), dont la partie du violoncelle est ici remplacée par l’alto, éclaire ces petites pièces sous la lumière de sonorités inattendues. En composant ses Játékok (« jeux » en hongrois), György Kurtág laisse à ceux qui les jouent la liberté, l’imagination et l’inventivité dans leurs interprétations. Nos musiciens ont choisi d’en jouer des extraits en trio et en duo, avec un mélange de techniques classiques et modernes, notamment sur la flûte, et parfois avec la voix. Malgré leur créativité, on y dénote cependant quelques moments d’hésitation. Peut-être l’acoustique de la majestueuse salle du Musée océanographique ne leur convient-elle pas ? Mais le meilleur arrive avec Bach et Debussy. On savoure l’élégance de Bernold par Sonate en mi bémol pour flûte et clavecin (remplacé par la harpe) de Bach, en particulier le célèbre « Siciliano ». Dans Syrinx, le flûtiste devient à la fois mystérieux et affirmatif, en prolongeant la dernière note dans un quadruple piano presque inaudible, comme pour se fondre dans l’atmosphère.
Et la Sonate… Coloris, teintes, nuances et couleurs ! À l’évidence, les musiciens sont très à l’aise dans ces œuvres du répertoire, et le public, quelque peu perplexe dans Játékok, est entièrement conquis.

La Diane française dans les « actualités musicales au début du XVIIIe siècle »

Le samedi 18 mars, toujours au Musée océanographique, l’ensemble La Diane française donne un programme représentant une actualité musicale des premières décennies du XVIIIe siècle, « comme si on regardait une vidéo YouTube de l’époque » selon les mots de Bruno Mantovani, directeur artistique du festival.
Sous la direction, au violon, de sa fondatrice Stéphanie-Marie Degand, les dix musiciens font preuve de bonne énergie. Dans le Concerto de Leclair, outre la partie de soliste très développée, on note des imitations d’oiseaux rendues de manière bien plaisante et non sans humour. La vocalité d’« Il pianto d’Arianna » montre sa modernité esthétique, tandis que « La Follia » de Geminiani d’après une sonate de Corelli – personnalité clé qui a fait basculer le violon, jusqu’alors considéré comme populaire et pauvre, pour en faire un instrument plein de noblesse et de virtuosité – est une belle occasion de dialogue entre le violon et le violoncelle. Le Concerto pour quatre violons, violoncelle et cordes de Vivaldi (notamment ses effets d’arpèges) ainsi que celui pour deux violons de J.S. Bach complètent un aperçu de cette période dense, à la croisée des anciens et des modernes où foisonnaient tant d’idées et d’essais. Autant de styles et d’approches différents, proposés ainsi en une soirée, servent de leçon de diversité et de liberté. Par ailleurs, la conférence sur le violon au XVIIIe siècle par Fabien Roussel, violoniste et musicologue, a fait office d’une excellente introduction à cette soirée riche et revigorante.

Denis et Aurélien Pascal, duo père et fils dans un programme tout Fauré

Pour clôturer le week-end, dans l’après-midi du 19 mars à un nouveau lieu culturel, One de Monte-Carlo, le pianiste Denis Pascal et son fils violoncelliste Aurélien Pascal — qui a récemment remporté la révélation instrumentiste aux Victoires de la musique classique — proposent un programme tout aussi original, car il est constitué uniquement d’œuvres de Fauré. Un compositeur encore assez mal compris, Gabriel Fauré développe une polyphonie unique, avec des enchaînements raffinés mais particuliers qui semblent s’éterniser. Le toucher délicat de Denis, produisant un son velouté et crémeux, répond à l’archet d’Aurélien, naturel, ample et virtuose. Dans l’interprétation des deux musiciens, la linéarité du chant épouse les chemins sinueux, parfois tortueux, avant d’aboutir à la résolution harmonique finale. Ils montrent ce cheminement avec clarté, en sublimant la complexité apparente des partitions fauréennes. Dans la Première Sonate, ils proposent un contraste fascinant entre la virtuosité de la fin du 1er mouvement et l’intériorité du 2e mouvement, alors que Denis Pascal, en solo dans des Nocturnes, nous invite à un univers si mystérieux du compositeur avec une telle finesse que les notes prennent leurs ailes et nous emmènent vers des contrées bien lointaines. Ainsi, tout un art de Fauré était concentré dans ce concert.

Ce week-end se distingue, dans un point de vue, par la victoire des programmes, tous extrêmement audacieux et inventif. Nous n’avons pas eu la chance d’entendre, le jeudi 17, le récital de Thomas Ospital sur l’orgue de l’église Saint-Charles, au cours duquel il a mené une improvisation prodigieuse en reprenant tout ce qui a joué précédemment, et ce, à cause d’un problème mécanique de l’instrument. À tel point que Bruno Mantovani parle déjà de cette soirée comme étant l’un des moments marquant de l’histoire du Festival… tout comme tous les concerts !

 

Image mise en avant : © Victoria Okada

Photo 1 : Trio Bernold © Alice Blangero

Photo 2 : Conférence de Fabien Roussel © Alice Blangero

Photo 3 : La Diane Française © Alice Blangero

Photo 4 : Denis et Aurélien Pascal © Victoria Okada

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