Pop / Rock
[Chronique] « Hidden Tensions » de Von Pariahs : sauvage et tendu

[Chronique] « Hidden Tensions » de Von Pariahs : sauvage et tendu

17 November 2013 | PAR Bastien Stisi

Von Pariahs Hidden Tensions

[rating=4]

Désespérément avares de mots et de conversations en interview, les nantais de Von Pariahs se rattrapent en studio et en live, et profitent du calfeutrement de leur premier album Hidden Tensions pour animer avec virulence leurs cordes vocales et les cordes de leurs guitares afin de décliner une pop passée sous le filtre du post-punk, du rock garage et d’un shoegaze vigoureux.

Visuel de spectre et musique d’enragés

Deux adultes et deux enfants recouverts par un drap blanc de fantôme et par des lunettes rondes noires : La Famille Invisible de l’artiste plasticien Théo Mercier fait office de pochette décorative au premier album du groupe, et illustre à merveille le caractère introverti et paradoxal du chanteur Samuel Sprent et de sa bande d’agités aux cordes acérées.

Sous l’apparente sagesse de la literie au coloris virginal, en effet, transparaît une tension viscérale et permanente qui n’a rien de spectrale, et camoufle six boules de nerfs prêtes à venir déverser la fureur des guitares et d’un rock enragé, malgré les aspirations clairement pop revendiquées par ses tumultueux géniteurs. Les lunettes rondes très sixty sur le nez des fantômes, d’ailleurs, sont une référence à John Lennon et aux Beatles, que les Von Pariahs considèrent de manière traditionnelle comme « les papes de la pop music ».

La pop, justement, paraît être l’adage naturel d’une scène nantaise démultipliée ces dernières années (Pegase, Pony Pony Run Run, Katerine…), au sein de laquelle on hésitera quand même à placer de manière catégorique et définitive nos rockeurs sans sourires. Car s’ils partagent leur local de répétition avec les frangins d’Elephanz, et s’ils ont repris récemment le single « Morning Lights » de leur ami Anoraak, la comparaison avec leurs congénères pop de Loire-Atlantique devra s’arrêter ici : pas d’usage d’appareils électroniques ou synthétiques chez Von Pariahs, mais une prédominance des guitares, de la batterie, et des refrains criards sans panoplie esthétisante et sans influence clairement revendiquée.

« On essaye de laisser le plus de place possible à l’instinct dans la composition, et de se détacher de toute influence extérieure, même si on sait bien que personne ne fait de la musique sans ne jamais rien avoir écouté auparavant », affirme Samuel Sprent, né sur l’île de Jersey et pas intéressé plus que ça par notre question autour de l’éventuelle importance de Ian Curtis dans le parcours musical du groupe…« Ils ont parfois une attitude assez punk », nous murmurera à ce propos l’attachée de presse présente à nos côtés lors de l’interview…Well, bonne nouvelle, en promo comme en studio, les garçons vont à l’essentiel.

Post-punk urgent et garage thérapeutique

Le café avalé à la volée à proximité de Radio France et la conversation tournent courts, et rappellent l’instantanéité urgente des morceaux du sextet concentré sur l’interprétation de morceaux en anglais : rarement plus de trois minutes pour les compositions de Hidden Tensions, qui héberge dans une cacophonie foutraque et dévastatrice les riffs psyché (« Skywalking ») et sauvages (« Still human »), les arrangements saccadés (« Trippin ») et scintillants (« At the fairground »), les hymnes rock décapants (« Someone New »), les flirtes sans lendemain avec les ambiances lo-fi de garage cradingue.

Passée sous le mixage expérimenté du producteur d’Holograms (le suédois Stefan Brändström) et dictée par une nécessite thérapeutique et réparatrice, la pop frappée des parias nantais prend encore une ampleur nouvelle en live, exutoire viscéral et fondamental pour les jeunes adultes : « Lorsque l’on a commencé le groupe, le live et les concerts étaient nos seuls moyens de nous faire connaître. On n’avait alors pas les moyens financiers pour rentrer en studio et se faire enregistrer, et c’est forcément un aspect que l’on a dû travailler plus que le reste ». Travailler la transcendance des guitares plutôt que l’éloquence communicative ? Une démarche qui se respecte.

Von Pariahs, Hidden Tensions, 2013, Yotanka, 37 min.

Visuel : © pochette de Hidden Tensions de Von Pariahs

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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