Les Enfants terribles de Cocteau, un opéra chambriste à l’Athénée
Quand Stéphane Vérité porte à la scène l’opéra de Philippe Glass composé à partir des « Enfants terribles », il réalise davantage une mise en images qu’une mise en scène, joliment inspirée et parfaitement exécutée avec Romain Sosso. Sobriété théâtrale et beauté visuelle sont de mise sur le plateau du théâtre de l’Athénée dans cette belle mais sage adaptation du roman culte de Cocteau.
Au mépris de toute morale, Cocteau invente dans « Les Enfants terribles » le trouble jeu auquel s’adonnent deux jeunes adolescents livrés à eux-mêmes (la mère étant sur le point de mourir). Paul et Elisabeth sont frère et sœur, inséparables, exclusivement liés l’un à l’autre, à l’amour et à la mort. C’est dans leur petite chambre close qu’ils se livrent à des histoires traversées de heurts, de désirs, de destructions. Troubles sentimentaux et érotiques, inceste, désir homosexuel, attraction et répulsion, mensonge et manipulation sont au cœur d’une intrigue cruelle, poisseuse, et cette portée sulfureuse du roman n’apparaît pas nettement visible dans la mise en scène légère, esthétisante et trop innocente qui est proposée par Stéphane Vérité.
Pour autant, sa vision s’appuie sur un formidable décor numérique qui lui confère un aspect cinématographique et séduit. Même si les images animées ont plus souvent vocation à être illustratives que fantasmatiques, elles sont sublimes et font pénétrer dans un univers délicat, intimiste, hypnotique, à la fois enfantin et mystérieux, de même qu’elles apportent rythme et limpidité à la représentation. Il y a quelque chose de névrotique dans les tonalités glacées de la chambre grise, des paysages sombres et enneigés comme dans l’intérieur chic et étouffant de la galerie art déco, théâtre de la mort des protagonistes.
Cet opéra de chambre bénéficie d’impeccables interprètes à la juvénilité séduisante et parfaitement crédibles dans la composition des personnages rêveurs et instables, attractifs et torturés. Chloé Briot (Elisabeth), Guillaume Andrieux (Paul), Olivier Dumait (Gérard) et Amaya Dominguez (Agathe) forment un quatuor vocal très jeune, équilibré et solide, sans ostentation, d’une fine musicalité et d’un bon investissement dramatique.
Le compositeur Philippe Glass qui a aussi mis en musique Orphée et La Belle et la bête de Cocteau, compose Les Enfants terribles en 1996. Fidèle à son écriture musicale, il a imaginé comme support au drame une partition minimale, composée pour accompagnement uniquement pianistique, une musique douce et entêtante, qui pénètre et peut émouvoir.
Crédits © Frédéric Demesure