Classique
Le charme Yoncheva opère à la Salle Gaveau

Le charme Yoncheva opère à la Salle Gaveau

23 October 2021 | PAR Paul Fourier

La divine Sonya Yoncheva se produisait en récital dans la salle du 8e arrondissement pour un programme très bien construit. Les spectateurs en sont sortis sous le charme.

Le programme se constituait de deux parties bien distinctes séparées par un entracte. La première était dédiée à la mélodie française, la seconde traversait les Alpes pour aller à la rencontre des compositeurs italiens.
Avec Duparc et Viardot, les textes font la part belle à la mélancolie, mais dès les premiers accents de L’invitation au voyage, l’on est frappé par l’ampleur, l’opulence, le velouté de la voix. C’est dit, les mélodies de ce soir ne seront pas confidentielles mais langoureuses ou sensuelles et c’est bien une voix d’opéra faite pour dire l’amour qui sera mise au service de ces morceaux, un amour d’abord mâtiné d’attente et de nostalgie chez avec les textes de Baudelaire et Gautier. Ainsi le luxe, le calme et la volupté ne sont pas que des mots de l’auteur des fleurs du mal, mais semblent décrire parfaitement ce qui nous est donné à entendre et à voir. Car la dame elle-même est voluptueuse, toute en rondeurs féminines, évoluant en première partie dans une robe vaporeuse blanche, puis en seconde dans une robe noire qui contraste et la montre très sensuelle. C’est une Diva ? Oui ! mais par le talent plus que par l’exubérance, par la simplicité plus que par l’emphase.

Chez Pauline Viardot (“Hai Luli“) l’on sent l’adéquation de la chanteuse avec cette rare mais importante compositrice puis l’on passe ensuite à Chausson pour trois airs. C’est La sérénade italienne qui, par son titre, fait la jonction avec Donizetti, le premier compositeur d’opéra italien à l’affiche ce soir dont on se rappelle, avec ce “Depuis qu’une autre” qu’il sut si bien manier le français. Nous faisant basculer dans une évocation bien plus opératique dans la forme et la longueur, Yoncheva nous entraine grâce à un souffle généreux dans le récit ponctué par “Ah ! si mon cœur a cessé d’aimer, Alors j’aurai cessé de vivre“.
Retrouvant de la gaieté et de l’espièglerie, pour clore cette première partie, l’artiste fait avec Les filles de Cadix une incursion espagnolisante façon Delibes dans laquelle, toute d’autorité enjôleuse, elle explose de sensualité.
Ainsi, en cette première partie, le plaisir est déjà grand. Il aurait juste été complet si la chanteuse qui parle parfaitement français était mieux parvenue à produire une prononciation toujours intelligible dans ces textes.

Dans l’ensemble du programme, elle est accompagné subtilement par Malcom Martineau à l’attitude modeste, presque effacée, mais dont le toucher délicat permet à l’artiste d’évoluer confortablement dans les moindres recoins des textes et de la musique.

Un programme peut en cacher un autre…

Car s’il affiche des mélodies, celui de cette deuxième partie vient caresser l’opéra de si près qu’il s’y confond parfois.
Ainsi Le Sole e amore de Puccini nous renvoie à l’air Addio dolce svegliare alla mattina de Bohème et nous rappelle que Puccini et le vérisme composent incontestablement les fondements du royaume de Yoncheva ; la voix s’y déploie luxueusement comme dans Canto d’amore.

La soprano enchaine ensuite, d’un air grave, avec Al folto bosco du cycle La chanson des souvenirs de Martucci puis avec deux mélodies magnifiques de Tosti.
La conclusion du récital nous fait logiquement atterrir chez Verdi. Et l’on n’est pas surpris que pour conclure, l’air Esule ait la forme d’un air d’opéra avec cavatine et cabalette. Certes, la toute fin de ce dernier air nous remémore que son aigu s’est bien durci et qu’elle gagne à ne pas trop s’y aventurer. Elle paye aujourd’hui des choix qui furent peut-être parfois trop audacieux, mais la chanteuse sait désormais choisir des rôles qui sont en adéquation avec son organe tout comme ce récital aura rappelé qu’elle est une interprète majeure.
C’est avec les trois bis qui suivent qu’elle le prouve. Tout d’abord avec son cher Puccini et l’air de Mimi Donde lieta usci dans la Bohème. Elle surprend ensuite avec l’air de Carmen qui nous fait réaliser qu’elle ferait une magnifique cigarière et nous redonnerait le plaisir d’entendre de nouveau une telle soprano dans le rôle. Et enfin, c’est avec la mélancolie de l’”Adieu, notre petite table” du Manon de Massenet qui nous fait prendre congé de cette si belle artiste que l’on hâte de revoir… vite !

Visuel : © Paul Fourier

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Paul Fourier

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