Classique
Une dixième édition du Festival Debussy sous le signe de la diversité

Une dixième édition du Festival Debussy sous le signe de la diversité

26 July 2021 | PAR Victoria Okada

Le Festival Debussy fête sa dixième édition (Lire l’interview à Clément Sapin, directeur artistique). Sous le chapiteau du Jardin de la Grenouille, outre la musique classique et le jazz, l’électro et le DJ s’invitent à la programmation, rendant le week-end éclectique et vivant.

Danse au jardin

À peine arrivés à la fin du « trio de poche » par le Trio Medici sous le chapiteau, dans le Jardin de la Grenouille, nous sommes aussitôt dirigés  un peu plus loin dans le jardin, pour assister à des performances de danse par la Compagnie Poisson Pilote. D’abord deux danseurs évoluent sur la musique du Prélude pour un après-midi d’un faune de Debussy, puis six danseurs se rejoignent dans une création. Ils explorent tout l’espace du plateau « naturel » de pelouse non tendue (le jardin est de surcroît un « espace zéro pesticide »), entouré d’arbres entre lesquels les spectateurs prennent place. Leurs corps souples se raidissent tout d’un coup l’instant après, et vice-versa, pour multiplier des possibilités d’expression, tout aussi individuellement que collectivement.

Récital/lecture de Shani Diluka avec Proust

On revient ensuite au chapiteau pour un récital/lecture de Shani Diluka. Pour les 100 ans du décès de Marcel Proust, elle concocte un programme avec des pièces de compositeurs connus et appréciés par l’écrivain : Debussy, Fauré, Hahn, mais aussi Wagner. Elle ponctue les moments musicaux avec la lecture d’extraits, entre autres, d’À la recherche du temps perdu. Le choix des pièces (notamment l’Elégie pour piano de Wagner, et Les Rêveries du Prince Eglantine et la Valse n° 3 de Hahn) fait transparaître la personnalité de la pianiste, soucieuse d’offrir la poésie dans la musique.
Il était dommage que la sonorisation du piano soit si forte que les forte deviennent vite saturés et réduisent ainsi le plaisir du son acoustique direct.

Bach, le jazz et le DJ dans une sublime relation triangulaire

La sonorisation prend de l’ampleur avec Chapelier Fou Ensemble (qui, selon le programme, fait « de la musique électronique […] uniquement avec… des instruments acoustiques » pour ce concert). Le soir, l’électronique dévient un des éléments essentiels pour Vassilena Serafimova et Thomas Enhco et surtout, pour la DJ Chloé. D’abord, le duo piano-marimba joue son dernier album Bach Mirror, où chaque pièce est un surprenant exercice de style et de transformation. Les musiciens proposent ce programme qu’ils ont muri pendant quelques années et montrent une fois de plus leur ouverture d’esprit et leur créativité prodigieuse. Partant de la partition écrite, il y a plus de 250 ans, leurs arrangements mêlent le contrepoint et des improvisations dans des styles très variés, comme des parcours tantôt directs tantôt sinueux et détournés. Tout cela dans un enchaînement on ne peut plus naturel…
Le changement de plateau tient lieu d’entracte, et la percussionniste réapparaît sur scène avec Chloé. Et là, une autre surprise, encore plus grande nous attend. L’art de Chloé est éloquent pour affirmer qu’un DJ peut proposer une création musicale de la plus haute volée, qui vit au présent, lorsque la collaboration avec des artistes authentiques de premier plan comme Vassilena Serafimova élargissent encore davantage le champ de l’imagination.
Cette soirée mémorable, et c’est notre coup de cœur de cette édition, est la preuve même d’une évidence : l’excellence balaye les barrières des genres musicaux

Dimanche après-midi dans le Jardin

Le Jardin de la Grenouille accueille ses derniers artistes le dimanche après-midi. C’est un récital de piano jazz avec Jean Kapsa qui présente des improvisations d’après quelques mélodies de Gabriel Fauré, dont Clair de lune, Après un Rêve et La fleur qui va sur l’eau. Puis un concert de l’Ensemble Perspectives nous emmène dans un voyage en Irlande, en Angleterre, en Auvergne… dans un style d’ensemble vocal anglo-saxon a cappella. Deux chanteuses et trois chanteurs offrent une délicieuse harmonie, dans leurs propres arrangements, parfois humoristiques en imitant les instruments à vent (The Creole Love Call de Duke Ellington) ou des airs insolites comme Frère Jacques en alternant le français et l’anglais, cuisinés à toutes les sauces, en de véritables variations.

Le concert de clôture consacré à la mélodie française

Le concert de clôture est consacré à la mélodie française par la mezzo-soprano montante Ambroisine Bré. Berlioz, Lili Boulanger, Gounod, Fauré… Des pièces peu connues comme Violons dans le noir de Saint-Saëns (dont on fête cette année les 100 ans de la disparition) avec Jules Dussap, un des violonistes du Quatuor Hanson, ajoutent une originalité au programme déjà magnifiquement construit. Cette fois-ci, c’est la voix qui est altérée par la sonorisation. Cependant, on y perçoit clairement le timbre velouté de la chanteuse, ainsi que son articulation claire doublée du soutien solide qui rend l’expression encore plus riche. Si les aigus sont un peu « tirés », l’élégance de son chant séduit et convainc dans la mélodie française si exigeante. Responsable du succès de ce concert, n’oublions pas le pianiste Ismaël Margain qui, tout en restant discret, sait mettre en valeur la cantatrice, ainsi que le Quatuor Hanson qui a interprété avec tant de finesse Ainsi la nuit de Dutilleux, malgré les averses, et par conséquent l’humidité !
Nous avons dû, hélas ! Quitter le Festival avant la fin du concert de clôture, pour attraper le train qui nous ramenait à Paris. Cette contrainte était, il va sans dire, un grand regret et une réelle frustration !

Photos © Mathias Nicolas 
Photo à la une : concert de clôture © Mathias Nicolas

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Victoria Okada

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