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[Cannes 2021, Un certain regard] Les Poings desserrés, film-territoire avec un cœur qui bat fort

[Cannes 2021, Un certain regard] Les Poings desserrés, film-territoire avec un cœur qui bat fort

26 July 2021 | PAR Geoffrey Nabavian

Entre blocs de béton et montagnes, espoirs déçus et présent dur, famille et asphyxie, vie et mort, ce film russe donne à se plonger dans une atmosphère et à rencontrer des êtres. Il s’est vu décerner le Prix Un certain regard à l’issue de Cannes 2021.

Aux pieds des montagnes, dans une ville à l’horizon bouché d’Ossétie du Nord, Ada vagabonde, en essayant d’éviter de passer tout son temps avec son père qui la surprotège. L’un de ses frères revient d’une ville plus grande, avec le projet de “ne pas rester”, malgré le manque de perspectives ailleurs. Repas de famille abrupts, soirées de voisinage autour d’un feu improvisé : alors que cette fratrie passe un peu de temps ensemble, le fils “de passage” rappelle au père que sa sœur a déjà été opérée plusieurs fois et qu’elle “doit continuer”, qu’elle “ne peut pas rester comme ça“. Ce géniteur autoritaire ne veut rien entendre, alors qu’il semble que lui-même ne va pas très bien. Ada, elle, vole au gré de ses élans.

Les Poings desserrés est un film qui ne souligne rien, qui commence par camper un territoire et ceux qui l’habitent, en s’en remettant davantage à la vie qui hante les images qu’aux mots. La famille mise en scène est une cellule où les choses sont tues, où des blocages paraissent persister. Les différents décors où les scènes se déroulent semblent à l’image de cette fratrie : donnant souvent à voir la ville, ils sont filmés de manière assez terrienne, à hauteur d’homme, et pas embellis. Tout leur aspect rugueux est donné à ressentir : on perçoit bien qu’ils ménagent peu d’horizon aux habitants. Pourtant, ils sont là, bien réels, bien chargés en vie. L’œil de la réalisatrice Kira Kovalenko leur laisse toute la place pour exister, et respirer.

Le film paraît ainsi poser d’emblée les choses tout d’un bloc, face aux spectateurs : la cinéaste commence par inviter le public dans des instants de vie, au cœur d’un territoire présenté dans toute sa rugosité. L’effet est saisissant : on a immédiatement l’impression de se trouver face à des blocs d’émotions et de sensations, dans lesquels noirceur et lumière coulent ensemble. Etant donné que Kira Kovalenko et ses coscénaristes Anton Yarush et Liubov Mulmenko ne prennent pas en otage leur audience à coups de situations trop écrites, et s’en remettent plutôt à la vie et à ses accidents pour faire avancer le film qu’ils signent, on marche à fond. On s’approche au maximum du mystère de ces personnages, campés par des acteurs magnifiques, au premier rang desquels s’illustrent Milana Aguzarova, mutine et lumineuse, et Alik Karaev, minéral.

Les Poings desserrés est présenté au Festival de Cannes 2021, au sein d’Un certain regard.

Il a été lauréat, à l’issue du Festival, du Prix Un certain regard, et sortira dans les salles de cinéma françaises distribué par ARP Sélection.

Retrouvez tous nos articles sur les films du Festival dans notre dossier Cannes 2021.

Notre avis sur le Palmarès final de Cannes 2021 est à lire ici.

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Visuel : © ARP Sélection

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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