Nyx, Morphée, Schubert, Insula et Equilbey sont sur le bateau de la Seine Musicale
Un soir d’entre deux tours, entre deux tours d’élection présidentielle, entre deux, les Français sont entre deux, le sujet est omniprésent, la politique est au centre, la peur des extrêmes très à droite, la musique vient panser les angoisses, soulever les émotions positives. La jeune Seine Musicale enveloppe Insula orchestra, Laurence Equilbey, Wiebke Lehmkuhl, Stanislas de Barbeyrac, des spectateurs en grappes pour un programme romantique et enveloppant “Nuit et rêves” de Schubert.
Un jeudi soir en France, le vent souffle, les saints de glaces ne sont pas encore passées, il fait froid, chacun choisit sa passerelle pour rejoindre le bateau de La Seine Musicale, tout le monde se presse, l’envie d’être au chaud et de voguer sur les notes est nécessaire.
La seine musicale est immense, les espaces multiples, les employés nombreux, tous avec un sourire, un mot bienveillant, une envie de communiquer palpable. Les spectateurs reviennent après l’inauguration ou découvre ce nouveau lieu, épuré, élégant, aux lignes donnant la sensation d’être en mouvement dans un tableau d’Agnès Martin.
La salle est quasi comble, chaleureux espace, miel et rouge, des fauteuils agréables, un cocon pour se laisser bercer pour une nuit pleine de rêves avec Schubert.
La harpe enchantée, (ouverture de Rosamunde) ouvre le concert, un appel d’air vivifiant, joliment mené par l’orchestre et sa chef en marche vers une nuit étoilée par Schubert. Dès les premières minutes et jusqu’à la fin du concert le percussionniste d’Insula Orchestra rythma l’espace, les notes les mots, les coeurs avec puissance, délicatesse et une énergie magnifique.
“La symphonie inachevée” vient continuer le rêve, un moment de grâce, où chaque pupitre brille par des variations subtiles, une jolie transparence des timbres, une réinterprétation de l’œuvre au présent menée par une Laurence Equilbey en élévation dynamique, sensible et délicate.
Cuivres, bois, trombones, cordes, timbales résonnent et livrent de belles émotions. Rêverie, douleur, tendresse et désespoir se caressent embrassés par la très belle acoustique raffinée de la salle.
Ce soir la salle est drôle, enthousiaste, elle applaudit tout le temps, parfois même avant que les notes cessent.
L’entracte permet à chacun de découvrir tous les étages, faire le tour de cette boule à étoiles en bois où le ciel perce et l’eau à perte de vue. Lecture du programme pour les autres, il est bien fait, les informations sont intéressantes, le graphisme et la présentation sont un peu ringard, classique ou terne mais l’envie de partager avec tous et d’alléger le savoir doit primer.
Une seconde partie peut commencer. Lieder et orchestre avec le ténor Stanislas de Barbeyrac et la Mezzo Wiebke Lehmkuhl.
L’orchestre met en place toutes ses habiletés et ses couleurs, la voix veloutée du ténor envoute la salle particulièrement dans la délicieuse truite caressante et sensuelle.
Les deux chanteurs sont applaudis quasiment à chaque fin de phrase, la salle rêve éveillée.
Une jolie balance texte, voix, orchestre, musique.
Laurence Equilbey poétique lance de ses doigts et de son corps entier la danse des vastes couleurs musicales peintes par chaque instrument et voix pour un ensemble tendre et romantique.
La salle applaudit avec force, des bravos, des saluts et un magnifique rappel qui restera dans la tête des spectateurs pour au moins la semaine à venir, talonné de près par “La truite”.
Un grand poisson flotte au bout du bras d’un charmant jeune homme, il indique le chemin vers une after Schubert électro au “Club”. Insula Orchestra veut ouvrir la musique à tous, des before, des after, des rencontres, des partages à suivre d’urgence à “La Seine Musicale”.
Le prochain concert d’Insula Orchestra est “La Création” d’Haydn, dont Laurence Equilbey avait proposé une bouleversante version il y a quelques années. La mise en scène est cette fois de “La Fura dels baus”. Plusieurs événements sont associés à cette programmation, n’hésitez pas à vous y rendre, les enfants et les chiens y sont même invités alors plus d’excuses pour ne pas vivre avec la musique chevillée au corps.