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Nicola Alaimo, le récital comme à la maison d’un enfant du pays

Nicola Alaimo, le récital comme à la maison d’un enfant du pays

05 March 2019 | PAR Paul Fourier

Le baryton italien a donné, le 1er mars, un tour de chant spectaculaire et émouvant au Teatro Massimo de Palerme.

Au cœur de la capitale sicilienne, le Teatro Massimo est un bâtiment grandiose. Il occupe la Piazza Verdi, côtoie les via Rossini et Donizetti et le cœur de l’opéra italien y bat encore avec la plus belle vivacité. Dans le foyer, on y voit des affiches sur lesquelles figurent les monstres sacrés, la Scotto, la Callas, la Kabaivanska ou la Gencer. Pénétrant dans ce Saint des saints, on comprend que l’art lyrique, même en partie réservé à une élite, reste une tradition dynamique et que lorsqu’un enfant du pays vient se produire au Teatro, le Sicilien est à la fête. Cette tradition peut d’ailleurs ne pas être sans désagrément, car le public y est souvent aussi très indiscipliné (téléphones allumés, selfies et discussions pendant le spectacle). Et après le récital, on va féliciter le héros du jour comme il se doit dans une cohue toute sicilienne et joyeuse à la sortie des artistes.

Cette ambiance va de pair avec une proximité aux chanteurs qui crée une complicité réjouissante. Il ne paraissait inhabituel à personne de croiser ce soir, une grande partie des deux distributions de la Favorite qui figure à l’affiche du Massimo cette semaine, d’aller saluer John Osborn (qui assistera le lendemain à la représentation avec le cast alternatif au sien) et Rahean Bryce-Davis ou de discuter avec Sonia Ganassi dans sa loge.

Ce décorum planté, le récital de Nicola Alaimo pouvait débuter sous les meilleurs auspices. À son entrée en scène (dans le noir), celui-ci commença, de manière tragique, après une émouvante chanson sicilienne, par rappeler que son histoire personnelle est intimement liée à cette salle puisque sa mère mourut ici même pendant une représentation.

La première partie est consacrée à quelques-uns des dieux italiens de l’opéra. Rossini, Puccini, Cilea, Donizetti, Verdi et Giordano ; tout est là. Dans un tour d’horizon, l’artiste va prêter vie, en grand homme de théâtre, à certains des personnages qui font son répertoire. Certains sont parfois secondaires, mais ne sont jamais anodins et le jeu de Alaimo les caractérise magistralement le temps suspendu de quelques minutes.

La voix est magnifique, chaude, capable des multiples nuances pour interpréter successivement les moqueries du Barbier de Séville, l’admiration amoureuse de Michonnet pour Adrienne, la truculence de Falstaff, la roublardise de Gianni Schicchi, la rage de Rigoletto, la cruauté de Gérard. Chaque air est un moment d’anthologie, une exploration expresse dans l’âme d’un de ces personnages et on se met à rêver de voir le baryton sur scène dans ses différents rôles tant il possède autant la vis comica nécessaire à Rossini et au Verdi de Falstaff que la présence dramatique du bouffon du duc de Mantoue ou la morgue du révolutionnaire ennemi de Chénier.

Après l’entracte, il se consacrera à la chanson populaire notamment sicilienne, ce qui, avouons-le, nous laisse un peu largué, mais contribue au bonheur des voisins qui fredonnent un répertoire qui leur est familier, harangue et fait la fête au chanteur. Celui-ci, assis sur un tabouret, plaisante, s’évente et offre un tour de piste au naturel comme il le ferait au bar avec des copains. La complicité de Alaimo avec le pianiste, Giuseppe Cina, rajoute à la qualité du spectacle ; en phase avec le programme, celui-ci donnera d’ailleurs, en première partie, un morceau de variations sur les airs de Rigoletto.

Ainsi les deux artistes sont venus régaler un auditoire friand et ce soir, on a, non seulement assisté au récital d’un grand chanteur porteur de la flamme des compositeurs qui ont fait l’histoire de l’opéra italien, mais également à une plongée dans la tradition d’un public pour lequel l’art lyrique reste une fête populaire.

Visuel © Franco Lannino

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Paul Fourier

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