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[Live Report] “Médée trahie” par Emmanuelle Haïm et Magdalena Kozena
Dans le cadre bucolique du Midsummer Festival d’Hardelot se tenait samedi dernier un concert au titre de “Médée trahie” avec dans le rôle de la colchidienne si fameuse Magdalena Kozena accompagnée par l’occasion par ni plus ni moins qu’Emmanuelle Haïm et le Concert d’Astrée. Un assemblement qui laissait deviner une soirée tout simplement exceptionnelle, mais qu’en fut-il?
Première surprise de la soirée : le programme. Si l’on peut concevoir les premiers airs annoncés qui n’ont de prime abord aucune attache particulière (à savoir “Ma belle, si ton âme” de Bésard, “Vos mépris chaque jour” et “Ombre de mon amant de Michel Lambert), on s’étonne de voir apparaître “Tristes apprêts”, fameux extrait de Castor et Pollux de Rameau! Que diable allait-ce faire dans cette galère? On éprouve quelques difficultés à accepter l’idée qu’il s’agit là d’un écho à la trahison de Médée, mais on peut bien passer cet écart.
Ce que l’on a davantage de mal à oublier, malheureusement, c’est l’interprétation de la mezzo-soprano Magdalena Kozena. Elle qui brille habituellement et dont la réputation n’est plus à faire offre ici un récital à la diction parfaite et à la technique difficilement reprochable, mais désincarnée : on ne vit absolument pas ce qu’elle chante et l’on ne peut que le regretter car on connaît les capacités de la chanteuses. Est-ce dû à un mauvais moment, comme il peut y en avoir, ou bien à la taille du théâtre élisabéthain qui l’a peut-être contrainte à ne pas laisser aller sa voix, ou encore au bruit de la pluie sur le toit bâché? Nous l’ignorons, mais quel dommage!
Le regret est d’autant plus grand que l’interprétation musicale atteignait ici un niveau absolument extraordinaire. Le Concert d’Astrée était composé pour l’occasion de 5 solistes : Stéphanie-Marie Degand (violon 1), Matthieu Camilleri (violon 2), Jocelyn Daubigney (flûte traversière), Atsushi Sakaï (viole de gambe) et Eric Bellocq (luth). Sans oublier, bien évidemment, Emmanuelle Haïm à la direction et au clavecin. Il n’est en réalité pas aisé d’en dire quelque chose si ce n’est que l’on imagine difficilement comment il serait possible de faire mieux. La chef d’orchestre et ses musiciens maîtrisent ici parfaitement leur art, eux pour qui Médée n’est plus une inconnue depuis longtemps. Deux des musiciens se démarquent tout de même : le premier violon, Stéphanie-Marie Degand, aux nuances et à l’expressivité impressionnantes, ainsi qu’Atsushi Sakaï à la viole de gambe et à la virtuosité difficilement descriptible. Ils ont offert ici une vraie leçon de ce que doit être un ensemble : certains moments parvenaient à un tel niveau d’osmose que l’on pouvait difficilement distinguer les différentes lignes musicales face au tout qu’elles formaient, à la fois grand et précis. La direction d’Haïm était extrêmement discrète et l’on se doute du travail en amont lorsque l’on entend un tel résultat. Grandiose!
A noter au passage que cette date était l’unique représentation de ce concert en France. Pour la date suivante, il fallait se rendre à Istanbul!