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[Interview] Festival Palazzetto Bru Zane, Alexandre Dratwicki, “On porte la responsabilité de la résurrection ou de l’enterrement d’un compositeur”

[Interview] Festival Palazzetto Bru Zane, Alexandre Dratwicki, “On porte la responsabilité de la résurrection ou de l’enterrement d’un compositeur”

24 June 2014 | PAR Marie Charlotte Mallard

Après la deuxième édition du festival Palazzetto Bru Zane aux Bouffes du Nord, Alexandre Dratwicki conseiller scientifique du Palazzetto Bru Zane dresse le bilan, nous parle de la troisième édition et de tous les projets en cours. 

bru zane

Cette année, pour la deuxième édition du Festival Palazzetto Bru Zane à Paris, vous proposiez un parcours atypique dans le paysage du XIXe siècle français avec des compositeurs peu connus tels  La Tombelle, d’Ollone, Magnard ou Canteloube, comment le public a-t-il reçu ces « nouvelles » productions ? 

Je crois que les œuvres les plus originales dans le titre et dans les compositeurs sont justement les œuvres qui ont le plus piqué la curiosité comme La Tombelle et Magnard. J’ai été très surpris car ils ont vraiment bien marché tous les deux. Il y a toujours un risque lorsque l’on choisit de confronter ce type d’œuvres aux tubes plus connus. Le challenge est justement de montrer qu’elles soutiennent la comparaison. Pour ce qui était du Magnard, mis en regard du Beethoven lors du concert du 17 juin dernier, la mission a été très bien remplie. Ce n’est jamais gagné d’avance, car sur le papier on peut évoquer des choses, mais la magie est aléatoire et fragile. Je trouve que cette année le festival et particulièrement ces œuvres peu connues ont véritablement retenu toute l’attention et j’espère que l’on arrivera à conserver cette variété pour les prochaines éditions.

C’est un risque pour vous comme pour les musiciens alors comment fédérez-vous les artistes autour de ces œuvres ?

Tout d’abord il faut avouer qu’avec les Bouffes du Nord, nous avons un atout de taille. Les musiciens veulent absolument jouer dans ce théâtre où l’acoustique est unique. C’est véritablement une clé qui facilite les choses. Après, tout cela repose surtout sur l’enthousiasme avec lequel on va réussir à leur présenter le projet, l’œuvre. C’est pour cela qu’il est important de mélanger les œuvres rares avec du répertoire qui tient à cœur aux artistes, ça leur permet de s’exprimer dans des œuvres ou ils sont plus en valeur ou à l’aise parce qu’ils les ont choisies. Je crois aussi qu’il faut faire comprendre aux artistes que c’est une expérience qui peut durer sur le long terme et se renouveler.

Vous organisiez ce festival aux Bouffes du Nord,pour la seconde fois, un lieu atypique, intimiste situé dans un quartier populaire, c’est important pour vous de sortir des salles de concerts habituelles? 

Le théâtre des Bouffes du Nord est certes dans un lieu inattendu mais c’est surtout un théâtre d’expérimentation reconnu très bien dirigé par Peter Brook. Pour le Palazzetto il est important de faire résonner, de faire entrer le répertoire que l’on défend dans des endroits variés. On travaille aussi bien dans des festivals de province qu’avec l’opéra de Saint-Etienne par exemple.

Vous avez donné beaucoup d’œuvres méconnues et également en guise de bouquet final, une œuvre de : Félicien David, Le Saphir, un compositeur que l’on redécouvre depuis peu, que ressent-on lorsque l’on voit se concrétiser sur scène son travail de recherche, et qu’on le voit porté par de beaux orchestres ?

Ce répertoire on l’entend peu ou sur de vieux enregistrements. La vraie aventure c’est quand les lumières s’éteignent et que l’œuvre commence car on n’est jamais sûr de ce que cela va rendre, c’est véritablement la surprise. Il peut y avoir de mauvaises surprises, mais c’est rarement arrivé. Réentendre toutes ces œuvres est véritablement un moment de grâce pour nous. Cela concrétise un travail énorme lancé deux ou trois ans en amont. Un travail qui en plus, est porteur d’énormément de rapports humains, d’échanges avec les institutions, les artistes, les collègues. On vit donc les représentations de manière décuplées par rapport au public. C’est tout un moment de vie, vous portez un projet pendant 3 ans et vous vous souvenez de  tout ce qu’il y a derrière la représentation. C’est presque comme un compositeur qui verrait son œuvre exécutée pour la première fois, mais on a en plus une responsabilité. En effet, on porte la résurrection ou l’enterrement d’un compositeur.

Actuellement, quels sont les principaux chantiers du Palazzetto Bru Zane, en terme de recherche mais également en terme d’événements ?

On est maintenant installé depuis 5 ans, on peut donc voir sur le long terme se développer des projets. Nous développons une grande série de disques et de livres qui sont l’objet le plus représentatif du Palazzetto, autour des opéras français. Nous essayons de le faire de la manière la plus chic possible en forme et en fond mais porté vers le grand public. Les éditions sont bilingues, prétendent toucher le monde entier et seront vendues partout. Les prochains événements importants pour nous serons la recréation de Christophe Colomb de Felicien David à la Côte St André, au festival Berlioz et à Versailles le 13 décembre prochain. Nous avons aussi un opéra de Gounod Cinq-Mars sur un roman d’Alfred de Vigny. Un opéra tardif de fin de vie que personne ne connait, donné une première fois à Munich, à Vienne et on finit à Versailles en Janvier 2015. A Paris nous sommes en partenariat avec l’Opéra-Comique, où en avril prochain nous donnerons une coproduction d’une pièce de Herold Le Pré aux Clercs.

Pouvez-vous déjà nous parler d’une troisième édition ?

L’idée du festival l’année prochaine est de continuer le nombre de concerts aux  Bouffes mais également de s’étendre à d’autres lieux et notamment à Versailles encore une fois où un opéra du premier empire, de Méhul nommé Uthal sera donné par Christophe Rousset et les Talents Lyriques. Nous aurons un récital de harpe seule, du trio avec piano, du quatuor à cordes, les effectifs traditionnels en somme. En effet, l’année prochaine les effectifs seront moins osés mais le répertoire lui le sera plus. On jouera du Georges Onslo, du Henriette Renié, du Audran, Hélène de Montgeroult pour le piano, et du Herold. Bien évidemment, pour rassurer il y aura aussi du Saint Saëns du Chopin, du Offenbach.

Pourquoi selon-vous y-a-t-il une suprématie du répertoire romantique allemand ?

Il y a un fait historique c’est que le romantisme allemand émerge avant le romantisme français, du coup l’histoire a retenu les prédécesseurs et non les successeurs. Ce n’est pas que dans la musique symphonique, c’est également le cas dans l’opéra et la musique de chambre.

Côté artistes vous affichez une grande mixité entre des noms très connus et offrez leur chance à de jeunes musiciens comme avec l’équipe du Saphir, c’est important également pour le festival d’être également porté par la jeunesse ?

L’idée est en effet de proposer un mélange de grandes têtes d’affiche, et de jeunes talents. Nous avons eu par exemple le jeune violoniste Nicolas Dautricourt et l’équipe du Saphir effectivement. On croit beaucoup dans cette génération pour défendre ce répertoire. Et nous pensons qu’il faut absolument proposer autre chose que les grands artistes. Cette nouvelle génération peut nous porter.

Justement comment faites-vous pour amener les jeunes à travailler sur ces œuvres ?  

On s’associe notamment à certains concours en imposant une de nos œuvres. Les jeunes la découvrent autant que le jury. Au concours de Lyon il n’y a pas longtemps j’ai vu de splendides interprétations d’une même œuvre. C’est quelque chose de difficile pour eux car il n’y a pas d’enregistrement, donc dans les interprétations il y a parfois des changements de tempo très différents. C’est intéressant, ça oblige à travailler en se posant des questions et non à reproduire ce que l’on aurait pu entendre. Je me souviens à Lyon, tous les Mozart étaient joués de la même manière alors que la pièce que nous avions imposée était différente à chaque fois.

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Marie Charlotte Mallard
Titulaire d’un Master II de Littérature Française à la Sorbonne (Paris IV), d’un Prix de Perfectionnement de Hautbois et d’une Médaille d’Or de Musique de Chambre au Conservatoire à Rayonnement Régional de Cergy-Pontoise, Marie-Charlotte Mallard s’exerce pendant deux ans au micro d’IDFM Radio avant de rejoindre la rédaction de Toute la Culture en Janvier 2012. Forte de ses compétences littéraires et de son oreille de musicienne elle écrit principalement en musique classique et littérature. Néanmoins, ses goûts musicaux l’amènent également à écrire sur le rock et la variété.

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