
Grève à l’Opéra de Paris : ces derniers sont ouverts face aux portes closes…
Ce n’est pas un secret : les français sont souvent montrés du doigt par les étrangers et moqués sur leur manie de faire des grèves à longueur de temps. La mésaventure actuelle de l’Opéra de Paris aura bien du mal à contredire cette caricature (qui, finalement, n’en est peut-être plus une, et qui rappelle vaguement la difficile rentrée de 2011 marquée, entre autre, par une grève d’une partie des techniciens).
Dimanche aurait dû marquer l’ouverture de la saison 2015-2016 très prometteuse de l’ONP : de grands noms de la scène lyrique sont prévus, le répertoire est varié entre reprises et nouveautés (telles que Moses und Aron de Arnold Schönberg, Le château de Barbe-Bleue/La Voix humaine de Béla Bartók et Francis Poulenc, Lear d’Aribert Reimann, etc…), la mise en place de mesures en faveur du jeune public (ouverture de la Troisième Scène et Avant-Premières jeunes) ou encore en faveur des jeunes artistes (ouverture d’une Académie élargie pour jeunes musiciens)… Il n’y a pas à dire, cette première saison de Stéphane Lissner, qui avait déjà fait le buzz suite à sa méconnaissance des grands classique lors d’une interview sur BFM Business, ne commence décidément pas sous les meilleurs augures. En fait, elle ne commence pas, tout simplement.
Le 9 juillet dernier, le syndicat de la fonction publique FSU a déposé un préavis de grève portant sur différentes Premières de la saison : Madame Butterfly, Platée, mais aussi Don Giovanni (le 12 septembre), le spectacle de danse Robbins-Millepied-Balanchine (le 25 septembre), et Moïse et Aaron (le 20 octobre). Ce préavis porte sur le doublement d’une prime de modulation et de variabilité horaires des techniciens et son intégration dans le calcul des retraites (voir sur France Musique). Il est vrai que les conditions de travail dans le monde du spectacle sont particulières…
Suite à la première annulation, la direction de l’Opéra avait rencontré les délégués syndicaux de la FSU et avait fait, selon le communiqué de presse du 7 septembre, une proposition écrite le jour-même : « Les propositions de la direction (revalorisation sur trois ans de la prime de modulation et de variabilité horaires + méthode et calendrier sur la question de l’intégration) leur ont été adressées par écrit dès la fin de cette réunion. Malgré cela, la grève a été votée par les salariés des équipes techniques du Palais Garnier à leur prise de service. »
Le même communiqué assurait que le dialogue serait poursuivi et qu’une nouvelle réunion devait avoir lieu aujourd’hui (8 septembre), jour de la Deuxième (mais Première par substitution) de Madame Butterfly. Espérons que le silence soit enfin rompu à l’Opéra de Paris et qu’il ne perdure pas pour la Première de Don Giovanni samedi (reprise de la production de 2012, fameuse saison débuté elle aussi de manière assez chaotique).
A la lumière de tout ceci, il est intéressant de relire les premiers mots de l’édito de Stéphane Lissner sur le site internet de l’ONP qui prennent une tournure presque comique aujourd’hui :
« Alors que les nuages s’accumulent au-dessus des Opéras du monde entier, j’ai pu, depuis plus de deux ans, préparer la saison 2015 / 2016 de l’Opéra national de Paris dans une grande sérénité et, pour tout dire, avec beaucoup de bonheur. Cette Maison plus que tricentenaire est tellement exceptionnelle ! Certes, l’Opéra a pris une large part dans l’effort de diminution des dépenses publiques. Mais, après avoir dirigé le Théâtre du Châtelet et plusieurs institutions ou festivals en Espagne, en Autriche, à Aix-en-Provence et enfin à la Scala de Milan, je peux dire que l’Opéra de Paris m’impressionne chaque jour, par la qualité des équipes techniques, de l’Orchestre, des artistes des Chœurs, du Ballet et par l’engagement de l’administration de l’établissement. »
Certainement le public, souvent venu depuis la province et ayant pioché dans des pécules qui se font rares, a-t-il quelque peu de mal à partager la « grande sérénité » et le « bonheur » passés du directeur (qui, descendu de son nuage, doit à présent le voir tonner au-dessus de sa tête), mais peut se trouver « impressionné par la qualité des équipes techniques » et surtout l’efficacité de ses syndicats pour faire perdre des milliers d’euros par soir (si ce n’est plus) à une institution qui vit pour moitié de l’argent public…