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Contrastes russes à l’Orchestre national du Capitole de Toulouse

Contrastes russes à l’Orchestre national du Capitole de Toulouse

14 June 2021 | PAR Gilles Charlassier

Sous la baguette de son directeur musical, Tugan Sokhiev, l’Orchestre national du Capitole fait contraster deux compositeurs russes moins connus du grand public, Borodine et Glière.

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A la tête de l’Orchestre national du Capitole depuis 2008, Tugan Sokiev, qui, en avril, a vu son mandat prolongé d’au moins un an, ne manque jamais de se faire le défenseur de la musique de sa Russie natale. Il a d’ailleurs initié en 2019 à Toulouse un festival, les Franco-russes, comme un pont musical entre la France et la Russie, diffusé en version digitale cette année en raison de la crise sanitaire. C’est dans le prolongement de ce rendez-vous où l’ONCT occupe une place de choix que le chef ossète et la phalange toulousaine proposent, en cette fin de saison bousculée par le covid, une soirée 100% russe mettant en avant deux compositeurs moins connus du grand public.

De Borodine, les mélomanes se souviennent généralement de son poème symphonique Dans les steppes de l’Asie centrale ou encore les Danses polovtsiennes de son opéra Le prince Igor. C’est cependant par l’Ouverture de ce même opus lyrique, laissé inachevé par le compositeur et terminé par Rimski-Korsakov et Glazounov, que commence le concert. La vigueur de l’écriture orchestrale, servie magistralement par les musiciens toulousains, contraste avec le style du Concerto pour harpe et orchestre en mi bémol majeur op. 74 de Glière, un contemporain de Stravinski quasiment inconnu en France et qui comptait parmi les musiciens officiels du régime soviétique. La décantation presque néo-classique de la partition, créée en 1938 par Ksenia Erdeli, et qui constitue la première grande œuvre concertante du répertoire russe pour l’instrument, rappelle combien les audaces modernistes d’un Chostakovitch dans Lady Macbeth s’avéraient risquées à l’heure des Grandes Purges. Pour autant, la facture traditionnelle de la pièce n’interdit aucunement la séduction d’une virtuosité volubile, magnifiée par le raffinement souple et félin de Xavier Maistre. Après un Moderato où le soliste est mis en valeur par l’accompagnement discret mais efficace de l’orchestre, le Tema con variazioni déploie une pureté de cascades d’arpèges et autres scintillements expressifs avec un évident sens quasi adamantin de l’élégance, dans des modulations empreintes de sensibilité. L’ivresse instrumentale, toujours aérienne, se confirme dans le finale Allegro giocoso, et est prolongée par un bis qui offre un autre témoignage du naturel du jeu du grand harpiste français.

Après un entracte, la Symphonie n°2 en si mineur « Épique », de Borodine, signe le retour à un un imaginaire plus marqué par le folklore slave. L’ouvrage, qui s’écarte des développement formels académiques,, du moins de l’Occident romantique, puise son inspiration dans le matériau prévu pour Le prince Igor, et que Borodine n’a pas finalement pas retenu pour son opéra. Dès l’Allegro initial, Tugan Sokhiev démontre un sens de la carrure rythmique, tout en faisant chatoyer densité et couleurs orchestrales. Le Scherzo, noté prestissimo, dévoile une fébrilité parfaitement maîtrisée, avant un Andante d’un indéniable lyrisme. L’éclat résolu du Finale referme ce programme russe hors des sentiers battus qui rappelle les qualités des pupitres et de cohésion de l’Orchestre national du Capitole. Une belle fin de saison.

Gilles Charlassier

Orchestre national du Capitole, concert du 12 juin 2021, direction musicale : Tugan Sokhiev, Halle aux grains, Toulouse

© Marco Borggreve

Une playlist de fin de jauge
« Suite en do mineur » de Jean Mattern : Voyage au pays du chagrin
Gilles Charlassier

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