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Beautés chorales à Radio France

Beautés chorales à Radio France

28 May 2021 | PAR Gilles Charlassier

Le neuvième rendez-vous de la saison Chorus line du Choeur de Radio France associe deux pièces de la première moitié du vingtième avec une création de Thierry Machuel, sous la houlette de Martina Batic.

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Dans les programmations des orchestres et des opéras, le répertoire choral est rarement au centre d’un concert. Au-delà des interventions de son choeur dans les soirées symphoniques et dans les productions lyriques, Radio France lui a ménagé une saison dédiée, Chorus line. Le neuvième opus de la saison 2020-2021 réunit, sous la conduite de Martina Batic, la directrice musicale de la formation depuis septembre 2018, trois compositeurs du vingtième et vingt-et-unième siècles qui ont pour point commun un patronyme commençant par la treizième lettre de l’alphabet, le « m ».

La soirée à l’Auditorium, qui a depuis peu retrouvé son public avec la levée de certaines restrictions sanitaires, s’ouvre directement avec la commande passée par Radio France à Thierry Machuel, A l’humaine poésie, sur des poèmes d’Yves Bonnefoy. A la voix de Kathleen Ferrier rend hommage à la célèbre contralto anglaise, avant un intermède modulant d’ondoyantes polyphonies, Douve parle. Dans le leurre des mots, la trame du verbe et du chant progresse au gré de la méditation et des invocations. A égale distance des explorations d’avant-garde et de quelque sensiblerie néo-romantique, la partition déploie un tissu choral souple à l’écoute des ressources du texte, où la lisibilité cède parfois à la couleur, au gré des besoins de l’expression, et porté par une interprétation en synchronie avec l’esthétique de sobre séduction de l’ouvrage.

C’est ensuite une page d’un maître aussi prolifique que sensible à la polychromie des influences que défendent les effectifs de Radio France, Darius Milhaud, membre du Groupe des Six aujourd’hui un peu négligé par les salles. Sur un texte de Claudel, avec lequel le compositeur entretint une longue amitié, dépassant les clivages confessionnels, Les deux cités, opus 170, oppose la turpide Babylone à la céleste Jérusalem, la lamentation nerveuse décrivant la première à la jubilatoire fugue célébrant la seconde et refermant le triptyque, après une Elégie pleine d’intériorité. Les épisodes sont caractérisés avec une indéniable efficacité et restituent l’essentiel de la poésie eschatologique d’une pièce créée à la veille de la tragédie de la Seconde Guerre Mondiale et de la Shoah.

Le concert se conclut avec ce qui compte désormais parmi les classiques de la littérature chorale du vingtième siècle, la Messe pour double choeur de Frank Martin, et œuvre la plus ancienne du spicilège – écrite entre 1922 et 1926, mais créée seulement en 1963. Les séquences liturgiques ramassées – Kyrie, Sanctus et Agnus Dei – favorisent des développement polyphoniques, tandis que le Gloria et le Credo privilégient davantage à une succession d’épisodes émotionnels, à l’instar des messes baroques, que Martina Batic s’attache à caractériser avec économie et harmonie.

Gilles Charlassier

Concert Chorus Line #9, Auditorium de Radio France, mercredi 26 mai 2021

©Janz Kotar

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Gilles Charlassier

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