Non classé

Sziget, point d’étape #5 : contre la banalisation de la violence des employés de sécurité

13 August 2011 | PAR Mikaël Faujour

L’article du jour s’avère moins gai que les jours précédents, les circonstances ayant été fort peu clémentes. Une amie victime de coups et blessures par des employés de sécurité est à l’hosto pour un scanner. Voici un texte qui a des airs d’édito béachellien…

Serait-ce dans l’air ambiant local, empuanti par les relents néofascistes du pouvoir en place? Toujours est-il que la « sécurité » du festival, assurée – si j’ai bien compris – par des policiers professionnels ou en formation, s’adonne à des débordements de brutalité qui, pour être minoritaires n’en sont pas moins scandaleux.

Ainsi donc, votre serviteur, dormant du sommeil du juste après avoir journalistiquement batifolé à l’horizontale avec sa belle, se voit réveiller par des pleurs et gémissements dolents. Notre amie revient à 6h du matin d’une tente electro, en état de choc. Pleurs, tremblements. Elle s’est fait cogner par deux types de la « sécurité ». Le visage un peu tuméfié, un coquard de bel aloi : what else ? « Ne dites rien à personne, j’ai tellement honte »… Le refrain – hélas ! – classique chez bien des victimes (femmes battues ou violées, en premier lieu). Il nous faut une heure pour l’apaiser, l’aliter et se coucher. Au réveil, je la convaincs d’aller à l’infirmerie et de porter plainte. Un big boss de la sécurité, empathique et disposé à aider, explique la complication : sans deux témoins pour attester les coups et blessures (il semble que cela soit passible de 5 à 8 ans de prison avec sursis), impossible de faire aboutir la plainte. En outre, la plaignante étant étrangère, l’enquête risque de n’avoir pas de suite.

Probablement les quelques violences que m’ont signalées des festivaliers sont-elles en partie dues à la conscience de certains que cogner un étranger est à peu près sans conséquence. Tandis que ma nana et sa copine sont à l’hôpital pour une radio du crâne, j’écris à la va-vite cet article avant de partir pour le concert de Hindi Zahra. Et relaye deux anecdotes de violences des finauds de la « sécurité ». Un type se promène, probablement éméché, en tout cas goguenard et taquin, bloquant l’avancée d’un véhicule de la sécurité. Le conducteur descend et matraque le pauvre gars. Yeah. Un matin, une petite bande de fêtards, privés de musique après la fin des sets electro, se réunit autour de poubelles et commence à tambouriner pour faire sa propre musique. Arrivent des gars de la « sécurité ». Matraquage.

Alors bien sûr, il s’agit là d’actes marginaux et la sécurité du festival est globalement assurée avec un réel professionnalisme. Il y a cependant que ce type d’actes, réalisés par des futurs policiers, a quelque chose d’inquiétant – a fortiori sans un dépôt de plainte, ce qui revient par abstention à cautionner l’exercice de cette violence gratuite. Pour les festivaliers, c’est peut-être peu grave. Mais il faut songer à ce que pourraient faire les policiers hongrois sur des ressortissants hongrois lorsque, en somme, nul ne conteste leurs débordements. Et, en l’espèce, le sort de la minorité tzigane locale, déjà cible de néonazis et milices brunes comme la Garde hongroise (à présent dissoute). Lorsqu’on voit flotter un drapeau de l’Autriche-Hongrie, on se dit que le délire expansionniste des néofascistes hongrois et du Premier ministre désirant rebâtir une « Grande Hongrie » ne sont pas un fantasme de gauchiste obsessif ni un mouvement marginal ici, mais bien une réalité.

En bref, ici comme ailleurs, ne pas protester contre la violence, c’est contribuer à sa banalisation. Maigre, très maigre protestation, nous irons déposer une plainte et reconnaître avec elle les deux salopards qui ont rossé notre amie. Ils risquent un renvoi de la société de sécurité, un non-paiement de leurs journées de travail sur le festival ; et cela peut avoir des conséquences lourdes sur leur carrière professionnelle.

 

Addendum (18/08/11) – Le dépôt de plainte a été inutile. Notre amie a renoncé à enclencher une investigation pour des raisons évidentes : l’éloignement d’abord, le peu de chances de voir retrouver une fois les festivaliers repartis des témoins sur les quelque 400 000 participants, et pire : la crainte de se voir à son tour poursuivie au cas où les accusés seraient innocentés.

J’ajoute que, la confusion des traductions ne m’a pas permis de bien comprendre si le personnel de sécurité affecté aux scènes était en cours de formation en école de police (a priori non, en raison de leur âge ; il s’agirait plutost des jeunes qui étaient chargées de l’encadrement et de tâches moins physiques) ou pas. Il semble qu’il s’agissait simplement d’une société privée.

Le lien avec le contexte politique hongrois s’avère donc relativement distendu. De même, il me semble – mais je n’en ai pas la confirmation définitive – que la restauration des armoiries sur le drapeau hongrois s’inscrit dans le cadre du nationalisme actuel et donc de la revalorisation des symboles d’un passé glorieux. L’adoption de la nouvelle Constitution en avril 2011 prévoit d’ailleurs cette restauration du drapeau d’avant 1956 (avec les armoiries nationales) à partir du 1er janvier 2012.

Addendum (30/09/11) – A titre de compensation, le Sziget a accepté d’offrir une place à mon amie, pour l’intégralité du Sziget 2012 avec accès au camping français.

Piers Faccini et Franecsca Beard sont les invités de la première édition de Standing Room, le 7 septembre au Trianon
Melancholia, de Lars von Trier : entre l’infiniment grand et l’intime
Mikaël Faujour

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration