Une femme avec personne dedans, un autre roman troublant de Chloé Delaume

Dans son nouveau roman, l’auteure du “Cri du sablier” et de “Dans ma maison sous terre” (Seuil, voir notre article) propose avec ce nouveau roman une nouvelle autofiction borderline. Une manière de mettre en images et à l’épreuve son idée très personnelle et très psychotique de la “Règle du Je” (Puf, 2010).

Le livre s’ouvre par une nouvelle qui gêne beaucoup l’auteure : une de ses lectrices qui s’identifiait totalement à elle et sa manière d’écrire a mis fin à ses jours. Plus bouleverse par la colère qu’elle ressent à l’encontre de ce double d’autant plus envahissant qu’il est mort, Chloé Delaume entame une des introspections ricanante et sans  pitié dont elle a le secret pour trouver qui ronge la femme. C’est l’occasion de s’adonner au plaisir du chat, de la souris et à la maitresse de “Je” avec le lecteur qu’elle laisse même choisir sa fin pour elle-même dans les trois derniers chapitres du texte.

Magistralement écrit, grinçant, futé sur le statut de l’écriture et la quête de la première personne, “Une femme avec personne” flirte avec les limites de la raison pour offrir trois histoire (un suicide, un divorce, un amour) en une. Quand il y a trop d’habitantes dans un seul sujet, peut-être la femme est-elle sans personne dedans? Il reste néanmoins une unité : celui du style, égal à une seule voix aussi élégante que moqueuse. A déconseiller aux lecteurs fatigués d’auto-fiction, mais à chaudement recommander à ceux qui adore se torturer les méninges à ce sujet toujours aussi brûlant dans les lettres françaises…

Chloé Delaume, “Une femme avec personne dedans”, Seuil, collection “Fiction & Cie”, 144 pages, 15 euros. Sortie le 5 janvier 2012.

“Dans la tour, je suis seule. Auteur, narratrice, héroïne. Maquiller le réel, au fond ça changera quoi. Ci-gît, quoi que j’y fasse, je le sais, un roman d’amour. pourtant, j’hésite encore, redoutant les pièges moites d’un genre qui flirte toujours avec le ridicule. Alors je redeviens en cette heure l’héroïne, personnage de fiction esseulée atelier. En tailleur, assise, encore, elle subit les assauts de l’Épreuve qui se poursuit, sa peau en est piquetée, ses pupilles s’équarrissent. “p. 29

Crédit photo : Hermance Triay