Sous la ville rouge de René Frégni: un roman coup de poing sur le désir d’écrire

René Frégni est un écrivain marseillais, auteur d’une quinzaine de romans dont beaucoup lui valurent prix et récompenses. Cette renommée ne l’a jamais coupé de la réalité car René Frégni est un homme engagé, reconnu aussi pour son humanisme. Déserteur à 19 ans, vivant sous une fausse identité à l’étranger, il est passé par la case prison avant de vivre de ses écrits. Aujourd’hui, il anime des ateliers d’écriture dans la prison des Baumettes et celle d’Aix-en-Provence. Construisant ses livres autour des thèmes centraux de sa propre vie : l’écriture, l’amitié, la taule, il ne s’éloigne jamais de sa ville natale, personnage central de ses fictions. Avec Sous la ville rouge, son dernier roman publié aux éditions Gallimard, René Frégni continue sur sa lancée et nous plonge dans le quotidien d’un écrivain amateur sous le soleil de Marseille. Une recette qu’il connaît par cœur et qui frappe dans le mille.

Charlie Hasard vit à Marseille, non loin de l’église des Réformés, au cœur d’un quartier populaire. Sa vie tourne autour de ses deux passions : la boxe et l’écriture. Enfermé dans son petit appartement, préférant le silence assourdissant de l’isolement aux bruits de la vie, Charlie ne vit plus que pour les mots. De la salle d’entrainement à la table de sa cuisine et son petit cahier rouge, Charlie exulte, crache et s’acharne. Toujours seul, face à lui même. Parce que ça fait dix ans que Charlie envoie ses manuscrits, parce que ça fait dix ans qu’il est refusé partout, parce que ça fait dix ans qu’il se sent humilié. Ecoeuré par ce petit monde d’éditeurs parisiens qui ne comprennent rien, il frappe dans son sac de sable comme pour faire sortir la rage qui bouillonne au fond de lui. Recopiant du Flaubert sur les murs de sa cuisine, seul au dessus des pages, Charlie écrit. Jour et nuit. Toujours avec la même ardeur. L’histoire d’un Geronimo, pas celui que l’on croit. Un autre. Celui qui est tapi au fond de lui, symbole de tous les révoltés.

Alors que les lettres de refus inondent sa boite aux lettres, le coup de fil que Charlie n’espérait plus arrive enfin. Ancré dans le cercle très fermé du 6^ème arrondissement de Paris, un éditeur de renom est tombé sous le charme de Geronimo. Claquant la porte de chez lui et courant jusqu’à la gare Saint Charles, Charlie saute dans le premier train pour Paris, prêt à accueillir cette nouvelle vie tant attendue.  Mais ce voyage va le mener bien loin de ses rêves les plus fous…

René Frégni signe ici un roman choc, terriblement efficace. Avouons-le, nous l’avons dévoré. Fable violente et poétique à la fois, Sous la ville rouge rend hommage à tous ceux qui écrivent avec passion pour leur poubelle et qui se battent pour exister. Avec une écriture incisive, éclatante comme le soleil de Marseille, l’auteur dépeint avec beaucoup de justesse ce qui remue au fond des tripes de ceux qui ont quelque chose à dire et que l’on n’entend pas. Sur les pas de Charlie, René Frégni nous embarque dans une course effrénée au-delà des rêves de gloire et de reconnaissance. Jusqu’où les écorchés sont-ils prêts à aller pour qu’on les écoute ? Quel est le prix à payer pour faire partie de la bande lorsque l’on vient de nulle part ? Un roman qui vous attrape comme par surprise et qui ne vous lâche qu’une fois le KO debout…

Sous la ville rouge

René Frégni

Editions Gallimard – Collection Blanche – Parution : 19 avril 2013

ISBN : 978-2-07-014122-7

128 pages – Prix : 11,90€