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Limonov, un Emmanuel Carrère magistral

Limonov, un Emmanuel Carrère magistral

18 August 2011 | PAR Yaël Hirsch

Dans son dernier roman, l’auteur de “D’autres vies que la mienne” et “Un Roman russe” se fait le biographe d’un personnage pas forcément sympathique. Poète dissident de la Russie soviétique, romancier de l’exil underground new-yorkais, chef d’un parti néofasciste dans la Russie d’aujourd’hui, Limonov est surtout un prétexte. Sur le ton léger qui le caractérise, Carrère livre autour du personnage une merveilleuse chronique historique.

A l’occasion d’une soirée à Moscou, Emmanuel Carrère recroise un personnage qu’il avait oublié depuis les années 1980 : le romancier Edouard Limonov. Désormais dirigeant du parti national-bolchévique, Limonov est une figure ambivalente de la contestation. Sur le coup, Carrère n’a pas envie d’aller le saluer, mais cette rencontre lui donne envie d’enquêter sur le passé de ce personnage. Il le rencontre même pour l’interviewer. Et retrace sa vie : une enfance pauvre sur les bords de la Volga, une vocation de poète qui lui permet de fréquenter certains cercles littéraires et de faire la démonstration de son talent de gigolo, la montée à Moscou, la folle passion pour une très belle russe perdue et droguée, la dissidence et l’exil à New-York, le succès de son “Journal d’un raté” et de quelques autres romans, le passage par Paris. Puis le retour en Russie son étrange carrière politique et para-militaire, aux bras de femmes de plus en plus jeunes, l’oscillation entre la prison et le succès médiatique.

De Limonov, Carrère dit :”C’est une vie aventureuse et ambiguë : un vrai roman. Et c’est une vie qui, je crois, raconte quelque chose. Pas seulement sur lui, Limonov, pas seulement sur la Russie, mais sur notre histoire à tous depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.” Il ne trouve pas forcément son sujet sympathique, même s’il admire parfois son courage. C’est d’autant plus à son honneur d’avoir essayé de retracer les faits pour faire la part des choses et tenter de reconstituer la trajectoire de ce héros ou ce salaud hors du commun. Autour de la biographie en pointillés, du talent et des engagements douteux de Limonov, l’auteur a tissé une fresque documentée et  brillante, où, à grands renforts d’anecdotes personnelles, il délivre de véritables leçons d’Histoire. Un roman aussi nourrissant que délicieux.

Emmanuel Carrère, Limonov, P.O.L., 489 p., 20 euros. Sortie le 8 septembre 2011.

Arrivé à ce point, je ne suis pas certain que mon lecteur ait réellement envie qu’on lui raconte comme une exaltante épopée les débuts d’une feuille de chou et d’un parti néofascistes. Je ne suis aps certain d’en avoir envie, moi non plus. Cependant c’est plus compliqué que ça. Je suis désolé. Je n’aime pas cette phrase. Je n’aime pas l’usage qu’en font les esprits subtils. le malheur est qu’elle est souvent vraie. En l’occurrence, elle ‘lest. C’est plus compliqué que ça.” p. 381

 

Note : Les éditions Albin Michel rééditent “Le journal d’un raté” d’Edouard Limonov. En librairies à partir du 5 septembre. Voir notre critique, ici.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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