Fictions
« Le Livre invisible – Le Journal invisible » de Sergueï Dovlatov : Quotidien d’un dissident

« Le Livre invisible – Le Journal invisible » de Sergueï Dovlatov : Quotidien d’un dissident

24 May 2023 | PAR Julien Coquet

Poursuivant leur travail de réédition de l’œuvre de Sergueï Dovlatov, les éditions La Baconnière publient dans un même volume Le Livre invisible et Le Journal invisible.

Le Livre invisible s’intéresse au quotidien d’un écrivain russe dissident qui, malgré toutes ses démarches, n’arrive jamais à publier son livre. Car oui, sans être étrange lorsque l’on connaît la politique de l’URSS en matière de liberté d’expression, aucun des écrits de Dovlatov n’a jamais été autorisé à être publié de son vivant (1941-1990) en pays soviétique. Dans Le Livre invisible, on sent tout le désarroi et tous les efforts d’un auteur qui a pourtant de bons retours sur ces textes, que l’on encourage à persévérer, mais que personne ne veut publier. Désabusé, Dovlatov remarque : « Je ne sais pas où les écrivains soviétiques trouvent leurs sujets. Rien autour de nous n’est publiable. » Le texte de Dovlatov posant problème est La Zone, un ensemble de nouvelles, de dimension autobiographique, sur les souvenirs d’une garde d’une colonie pénitentiaire.

Ayant le rêve de devenir écrivain, Dovlatov émigre aux Etats-Unis avec femme et enfant en 1978, alors qu’il a trente-sept ans (« L’important, c’est d’être libre. De fuir l’enfer communiste. Le reste n’a pas d’importance. »). La deuxième partie du volume, Le Journal invisible, s’intéresse à la création d’un journal russophone à New York avec des amis de la diaspora russe. On sent tout le plaisir qu’à Dovlatov à vivre dans un nouveau pays, et à découvrir la ville de New York, dont l’ « architecture évoque un tas de jouets d’enfant » et dont l’ « esthétique fait penser à une catastrophe ferroviaire ». Peut-être plus drôle que Le Livre invisible, Le Journal invisible scrute à la loupe la communauté russe. Notons aussi que les deux textes sont ponctués d’anecdotes croustillantes intitulées « Solo pour Underwood ».

« Forcément, je me suis lié d’amitié avec des auteurs aussi malchanceux et affamés que moi. Ce sont des individus pétris d’amour-propre et perclus de souffrances. Leur absence de succès officiel est compensée par une vanité maladive. Des années d’existence pitoyable ont affecté leur psychisme. Un pourcentage considérable d’affections mentales en témoigne. D’ailleurs, dans ce monde illusoire, ils refusent d’être dans la norme. »

Le Livre invisible – Le Journal invisible, Sergueï DOVLATOV, traduit du russe par Christine Zeytounian-Beloüs, Editions La Baconnière, 224 pages, 12 €

Visuel : Couverture du livre

« Apprendre à faire l’amour » d’Alexandre Lacroix : Philosophie de l’acte sexuel
Coffret Mike De Leon chez Carlotta Films : En huit films, portrait d’un cinéaste philippin
Julien Coquet

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration