Le Poète de Gaza de Yishaï Sarid: un polar au coeur du conflit israélo-palestinien
Yishaï Sarid est né en 1965 à Tel-Aviv. Avocat puis procureur, il est le fils du député israélien Yossi Sarid, grande figure de la gauche pacifiste. Le Poète de Gaza (Actes Sud, 2011), son deuxième roman et le premier traduit en français lui a valu le grand prix de la littérature policière en 2011. Les éditions Acte Sud rééditent ce roman unanimement salué par la presse dans la collection Babel noir. Un polar haletant au cœur du conflit israélo-palestinien.
« La violence en Israël, c’est un terrible cercle vicieux. De part et d’autre on ne sait comment en sortir. Nous, les habitants, essayons de créer quand même une atmosphère de normalité, mais la violence s’y infiltre malgré tout, jusque dans nos vies privées. » Y.Sarid -(Entretien pour Rue 89 en 2011)
Un agent du Shin Bet, le contre-espionnage israélien, se voit missionner par les services secrets pour prendre dans ses filets le chef d’un réseau terroriste palestinien. Pour cela, il va devoir approcher la poétesse israélienne Dafna, amie de l’intellectuel palestinien Hanie, le père de ce terroriste. Se faisant passer pour un jeune auteur en quête de conseils littéraires, celui dont le nom n’est jamais mentionné va se retrouver en terrain inconnu, infiltré au coeur d’une société où les individus sont bien plus surprenants qu’il ne l’imaginait.
Découvrant une autre réalité que celle qu’il côtoie dans les sous-sols de la police secrète, l’agent du Shin Bet va devoir se débarrasser de ses préjugés et regarder le monde sous un jour nouveau. Habitué à la violence quotidienne, cet agent qui traque depuis des années les potentiels kamikazes palestiniens n’a jamais fait dans la dentelle. Certains sortent même les pieds devant… Tiraillé entre son sens du devoir et l’humanité qui persiste au fond de lui, il devra mener à bien sa mission en assumant ses trahisons.
Jusqu’où peut aller la manipulation de ceux que l’on respecte ? Jusqu’à quel point la cause politique justifie-t-elle la violence ? Comment prendre du recul sur soi-même et les siens lorsqu’on vit au cœur d’une véritable guérilla ?
Yishaï Sarid nous transporte judicieusement au cœur du conflit israélo-palestinien en mettant face à face deux protagonistes d’une guerre qui les dépasse. Dans un pays miné par la peur et la violence, l’auteur s’interroge sur la capacité des hommes à se parler encore et sur le pouvoir de la parole. Comment vivre ensemble au delà de la tragédie ? Malgré quelques clichés qui viennent entacher le tableau, comme la découverte improbable pour le héros d’un palestinien sympathique et intelligent, ou encore cette histoire d’amour très convenue, ce roman lève le voile sur la complexité de la nature humaine et sur l’influence des conflits politiques sur le quotidien. Au cœur d’une société où les individus tentent de survivre, Yishaï Sarid nous redonne de l’espoir en la nature humaine et nous fait rêver à la fin d’un conflit qui ravage inlassablement le Moyen-Orient.
Le Poète de Gaza, Yishaï Sarid.
Traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz.
Editions Actes Sud – Collection Babel Noir.
Janvier 2013. 262p. Prix: 7,5€