La communauté universelle, le nouveau roman d’Eugène Green questionne la foi
En 2009, Eugène Green avait réalisé un très beau film, La Religieuse portugaise (voir notre critique). Il revient cette année avec un roman singulier sur la foi, la mort et le couple. A lire !
La communauté universelle questionne la foi, avec intelligence et sensibilité. Green nous raconte l’histoire d’un couple heureux, amoureux, Emile et Adrienne (leurs prénoms légèrement surannés vont bien avec l’amour véritable et attentif qu’ils se portent). Lui vient d’un milieu modeste et est aujourd’hui médecin hospitalier. Elle, femme au foyer, est issue de l’aristocratie catholique anglaise et descend de ces nobles qui, jadis, n’ont pas accepté le schisme anglican. Confronté quotidiennement à la mort et à la souffrance, Emile est bien souvent affecté, à bout de forces. Sa femme représente alors pour lui une source d’apaisement et de vie. Mais, un soir, après une journée particulièrement triste, Emile rentre dans leur appartement du 6e arrondissement pour constater qu’Adrienne a disparu.
Très naturellement, il la croit repartie en Angleterre, sur les terres de sa famille et de sa foi et décide d’aller, lui aussi, quelques jours à Londres. Là, séparément, Adrienne et Emile suivent un étrange parcours et réfléchissent sur la foi, la mort et l’amour. Rien de pédant dans ce beau roman, concis et ferme, dont le style est aussi précis qu’un scalpel de chirurgien. Parabole mystique, exercice spirituel, belle réflexion sur la liberté de l’autre dans le couple, La communauté universelle se lit comme une respiration. Construit selon le schéma de la tragédie grecque (le roman est découpé en épisodes et en stasimons), le récit s’articule autour d’un questionnement à vif, intime, pour trouver une résolution universelle. L’absence, de l’être aimé ou de Dieu, a le pouvoir de sublimer l’amour, qui se déploie alors avec une confiance véritable.
On pense un peu, par endroits, au très beau récit sur la conversion (du protestantisme au catholicisme) de Julien Green (l’homonymie est une pure coïncidence, mais explique peut-être, chez moi, l’association d’idées), Ce qu’il faut d’amour à l’homme (Plon, 1978).
La communauté universelle, roman d’Eugène Green, Gallimard nrf, 2011, 185 pages, 16€90.
« Maman et papa se disputent à propos des jésuites. Maman les aime, papa non.
– Guy Fawkes était un imbécile manipulé par les jésuites : les Anglais ont raison de fêter sa mort. Il a été brisé sur la roue, mais on aurait dû faire la même chose à tous les membres de la Compagnie de Jésus.
– Ne dites pas de telles horreurs devant Adrienne. Les jésuites ont cherché à rétablir la vraie foi en Angleterre. Et l’Imitation demeure mon guide spirituel.
– N’encouragez pas ma fille à faire de l’imitation : à l’école, c’est très sévèrement sanctionné.
Maman sort de la pièce, et une porte claque. Papa et elle se disputent de plus en plus, et pas seulement à propos des jésuites. » ( La communauté universelle, p. 60)