
“L’étrangère” : Valérie Toranian dresse un portrait puissant de sa grand-mère, survivante du génocide arménien
Valérie Toranian est l’actuelle directrice de la Revue des deux mondes et ancienne directrice de Elle. Premier roman, L’étrangère rapporte le témoignage de sa grand-mère Aravni, survivante du génocide arménien. Un portrait très touchant, qui illustre bien comment, cent ans après, la douleur et la mémoire habitent encore les familles arméniennes en diaspora.
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En août 1915, Aravni a à peine 17 ans quand elle est déportée dans le convoi d’Amassia. Sa pugnacité et l’aide de sa marraine lui permettent de survivre puis de s’échapper en se cachant sous un monceau de cadavres. La suite n’est que l’histoire d’une suite pour la vie et de cache à Alep. Jusqu’à ce que son mari, intellectuel communiste l’emmène vivre à Paris. Dans le Paris des années 1970, Aravni est pour sa petite fille “Nani”, la mère de son père, qu’elle a adore et dont elle a cependant un peu honte, avec son mauvais français et ses recettes de cuisine un peu trop lourdes. La gamine mesure bien toute la différence qu’il y a avec la mère de sa mère, “mamie”, élégante, moderne, agile et maîtresse de recettes aussi traditionnelles que le Gigot-Flageolet. Maîtrisant de mieux en mieux l’arménien, très malheureuse que la mémoire du génocide soit passée sous silence alors que celle de la Shoah est de plus en plus reconnue, c’est enceinte d’un premier enfant au nom arménien que la petite-fille va interroger sa grand-mère sur son histoire.
D’une construction limpide, où le point de vue de la petite-fille fait face à la narration à la troisième personne de ce qui s’est passé pour sa grand-mère, l’étrangère a la force tenace d’une immense simplicité. Les mots frappent justes et on ne peut pas ne pas tomber amoureux de “Nani”, à tous les âges de sa vie. Ce personnage de grand-mère aussi gâteau que têtue permet aussi d’incarner le pire : son histoire est reconstruite et racontée pour un récit à la fois important et rare. Son histoire est racontée et les efforts que sa petite-fille a faits pour la rassembler amènent ces faits au plus près du lecteur dans un geste où savoir est une urgence indépassable. Un très beau livre, à lire dès sa sortie juste après que les faits historiques auront pu être rappelés publiquement à la mémoire de tous, lors des commémorations du 24 avril 2015.
Valérie Toranian, L’étrangère, Flammarion, 240 p., 19 euros. Sortie le 6 mai 2015.
visuel : couverture du livre
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