« Apprendre à faire l’amour » d’Alexandre Lacroix : Philosophie de l’acte sexuel
Le directeur de la rédaction de Philosophie Magazine aborde dans une langue claire la question de la sexualité au prisme de la philosophie. Un livre intelligent qui sait poser de bonnes questions.
Peut-on apprendre à faire l’amour ? Oui, et heureusement. Les manuels pour développer de bonnes techniques, comprendre sa propre anatomie ou le fonctionnement du partenaire se multiplient, et c’est tant mieux. Le livre Jouissance Club. Une cartographie du plaisir de Jüne Plã se vend très bien, et témoigne de l’intérêt de la question. La question devrait d’ailleurs ne pas se poser, mais être plutôt une injonction : il faut apprendre à faire l’amour. Comme le remarque Alexandre Lacroix au début de son livre, pour faire l’amour, il faut se détacher du « freudporn » (« mon hypothèse est que, dans les sociétés occidentales, le script sexuel hégémonique provient d’une conception de la relation sexuelle héritée de Freud, conception reprise et amplifiée par le porno mainstream »). Dès lors, il convient de se détacher des Trois essais sur la théorie sexuelle (1905) et de regarder d’un œil critique le porno.
A la manière d’un catalogue, Alexandre Lacroix traite des habits, du rire, de l’habitude, du rythme, des cris, etc. De nombreuses facettes ou moments de la relation sexuelle sont scrutés. Ainsi, l’habitude n’est pas synonyme d’ennui, mais permet de mieux connaître le corps de l’autre, ce qui lui fait plaisir (passage de l’« habitude-routine » à l’« habitude-tremplin »). Les interdits d’un partenaire ne doivent pas être vus comme des portes fermées ou des blocages, mais plutôt comme des préférences, « les refus ou les blocages n’étant que des flèches indiquant le chemin que souhaite emprunter le désir de l’autre ». Convoquant Spinoza, Houellebecq (Plateforme est cité), la féministe Andrea Dworkin, les sexologues Masters et Johnson, Alexandre Lacroix parvient à produire un livre passionnant, très clair, et qui nous invite à bien faire l’amour.
« Attention, je ne dis pas que l’orgasme n’a aucune importance, ou qu’il n’est pas agréable de jouir ; mais que nous devons éviter d’en faire une exigence obsessionnelle et tyrannique, pour revenir à une compréhension beaucoup plus simple et détendue du phénomène érotique. La finalité du rapport sexuel ne saurait être l’orgasme pour la bonne et simple raison que l’action de faire l’amour, comme la pratique sportive ou les dîners entre amis, a sa finalité en elle-même. C’est l’étreinte qui est délicieuse. Et l’orgasme, disons que c’est un plus. »
Pour plus d’informations, nous vous invitons à écouter ce très bon podcast d’Arte Radio
Apprendre à faire l’amour, Alexandre LACROIX, Flammarion, Collection Champs, 224 pages, 9 €
Visuel : Couverture du livre
