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L’Herne consacre un Cahier à Vladimir Jankélévitch

L’Herne consacre un Cahier à Vladimir Jankélévitch

10 April 2023 | PAR Julien Coquet

Le philosophe français du XXème siècle a toujours souffert d’un manque de considération, éclipsé par Sartre, Foucault, Derrida… Cette édition des Cahiers de l’Herne rend hommage au philosophe du « je-ne-sais-quoi » et du « presque rien ».

Dirigé par Françoise Schwab, Pierre-Alban Gutkin-Guinfolleau et Jean-François Rey, le Cahier revient notamment sur la vie extraordinaire de Jankélévitch. Né en 1903 à Bourges de parents russes (son père est le premier traducteur de Freud en français), Jankélévitch étudie la philosophie à l’Ecole Normale Supérieure. Devenu professeur de philosophie, Jankélévitch est démis en 1940 de ses fonctions et s’engage dans la Résistance. Tout au long de sa vie, Jankélévitch sera ensuite marqué par un profond engagement (cf. le chapitre III « Le temps du Faire : hic et nunc »), le philosophe ne manquant pas une commémoration des martyrs de la Résistance, clamant son engagement à gauche, son attachement à Israël et ses quelques piques contre Sartre qui, lui, n’avait pas vraiment résisté.

Professeur de morale à la Sorbonne entre 1952 et 1979, Jankélévitch travaille principalement sur l’éthique et la morale (« La morale est partout et nulle part, il est impossible de soulever un problème, quel qu’il soit, sans envisager son aspect moral »), auteur notamment d’un Traité des vertus. Pascal Bruckner distingue d’ailleurs deux Jankélévitch : un philosophe des traités de morale et de métaphysique (utilisation et définition de grands concepts) et un écrivain d’aphorismes. Auteur connu pour son approche de l’ineffable (Jankélévitch travaille notamment sur le « je-ne-sais-quoi » et le « presque rien »), le philosophe se distingue également par ses écrits sur la mort (interview « l’insupportable mystère de la mort »), sur la musique (texte de la pianiste Anne Queffélec, correspondance entre Jankélévitch et le compositeur Mompou), le pardon, le judaïsme…

A la lecture de ce Cahier, on ne peut qu’éprouver de la joie en lisant les nombreuses lettres d’admiration que Jankélévitch reçut. « Ou je me trompe beaucoup, ou ce premier travail présage des œuvres qui seront une importante contribution à la pensée philosophique » écrit Bergson à Jankélévitch en mai 1924. A propos de Le Malentendu, Léon Brunschvicg déclare avoir reçu « le choc bienfaisant d’une pensée neuve ». On compte aussi Michel Foucault, Clément Rosset (« ce n’est pas un essai sur la virtuosité, c’est un exercice de virtuosité lui-même ») et Lucien Jerphagnon comme admirateurs. Philosophe à la voix reconnaissable entre toutes, Jankélévitch, à la question « Sur quel style de vie déboucheraient vos méditations ? », répondait « Sur l’action, la plénitude de l’existence, l’amour de la vie et de ce monde… Ne pas se mettre en pénitence. ». A noter aussi que Françoise Schwab publie au même moment chez Albin Michel Vladimir Jankélévitch. Le Charme irrésistible du je-ne-sais-quoi.

Cahier de l’Herne consacré à Vladimir Jankélévitch, sous la direction de Françoise SCHWAB, Pierre-Alban GUTKIN-GUINFOLLEAU et Jean-François REY, Editions de l’Herne, 296 pages, 33 €

Visuel : Couverture du livre

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Julien Coquet

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