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Les Cahiers de l’Herne consacrés à Jean Echenoz : Elégance, ironie mélancolique, juste distance, précision

Les Cahiers de l’Herne consacrés à Jean Echenoz : Elégance, ironie mélancolique, juste distance, précision

19 February 2023 | PAR Julien Coquet

Les quatre groupes nominaux de notre titre, empruntés à l’article « Être ou ne pas être Jean Echenoz signé Laurent Mauvignier, disent toute la puissance de l’œuvre du grand écrivain français.

D’abord, quelques jalons pour bien comprendre, ou se remémorer, l’une des figures emblématiques des éditions de Minuit. Tout d’abord, la parution de son premier roman, en mars 1979, intitulé Le Méridien de Greenwich (déjà cette précision géographique, cet amour des lieux, que l’on retrouvera tout au long de son œuvre). Ensuite, vingt ans après, le Graal des récompenses littéraires : le prix Goncourt pour Je m’en vais (tiens, encore une indication spatiale). Et puis, pour finir ce Cahier de l’Herne, une limite temporelle et matérielle bien sûr, celle du dernier livre de l’écrivain, Vie de Gérard Fulmard, dont nous avions dit tout le bien ici.

Comme le remarque Johan Faerber, responsable de ce Cahier, l’arrivée de Jean Echenoz en littérature est compliquée, à la fin des années 1970. Principalement car Echenoz se positionne après la fulgurance du Nouveau Roman (dont la majorité des œuvres a également été publiée chez Minuit), et que Echenoz souhaite tout de même raconter. Comme il le dit lui-même dans un de ces textes « Pourquoi j’ai pas fait poète » : « Pas fait de poésie pour n’avoir pas à la porter, valise trop lourde, préféré juste un bagage à main plus maniable ». Et si certains de ses romans prennent une forme policière, Jean Echenoz de remettre les pendules à l’heure : « mais je n’ai pas fait romancier noir non plus ». C’est plus compliqué, vous l’aurez compris. Faerber, pour caractériser l’œuvre d’Echenoz, la centre sur la narration, « comme si chaque roman d’Echenoz portait en son cœur non pas un roman mais la narration de ce qui reste du roman après la grande disparition de la littérature ».

La première partie du Cahier s’intitule « Renaître neuf de sa ruine » et couvre la période s’étalant de Le Méridien de Greenwich à Lac. Constatant le fait qu’il est difficile d’écrire après le Nouveau Roman (“A chaque effondrement des preuves, le poète répond par une salve d’avenir” disait René Char), Echenoz déplace son écriture du côté de l’ironie. Ses personnages font preuve de distance, et sont capables de réflexivité. Ce décalage souhaité et travaillé conduit à une inquiétante étrangeté.

Le deuxième méridien (de Nous trois à Au piano) impose la formule « Je m’en vais » comme leitmotiv de l’œuvre d’Echenoz. “On s’enlève du monde afin de ne pas être retrouvé” (Johan Faerber). La troisième partie, « Bref, on ne sait rien », court de Ravel à 14, et se place sous le signe des fins de vie (Ravel, Zatopek dans Courir et Gregor dans Des éclairs). Enfin, la dernière partie, « Mon projet de projet », de Caprice de la reine à Vie de Gérard Fulmard revient sur l’œuvre d’Echenoz, et sur l’acte d’écrire.

Ce Cahier de l’Herne éclaire cette œuvre ô combien mélancolique, modeste également et nous faisant traverser une bonne partie du globe (Paris bien sûr, mais aussi le pôle Nord, la Malaisie, la Corée du Nord). Des témoignages d’écrivains publiés aux éditions de Minuit (Julia Deck, Laurent Mauvignier, Tanguy Viel) succèdent à des articles plus académiques (« Délectable légèreté de la prose » par Agnès Castiglione, « Le divertissement romanesque : Jean Echenoz et l’esthétique du dégagement » par Dominique Viart). On retrouve également avec plaisir des textes inédits d’Echenoz, des dessins, des plans de roman et même des extraits d’un journal intime.

Cahier de l’Herne consacré à Jean Echenoz, sous la direction de Johan Faerber, Editions de l’Herne, 240 pages, 33 €

Visuel : Couverture du livre

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