“Il faut beaucoup aimer les hommes”, Marie Darrieussecq écrit une histoire d’amour
L’auteure de Truismes (1996) et de Tom est mort (2007) garde le nom de l’héroïne de son précédent roman Clèves (2011), mais cette fois-ci, c’est presque avec tendresse qu’elle présente son personnage féminin. Une Solange qui a plus ou moins bien percé comme comédienne à LA et qui tombe éperdument amoureuse d’un Canadien d’origine camerounaise… Une des meilleures plumes de la littérature contemporaine est de retour pour la rentrée littéraire et c’est un bonheur, même une fois la violence (un peu) calmée.
Ayant laissé sa fille à Paris pour s’exiler à Los Angeles où elle vit assez largement de son métier d’actrice, l’élégante et timide française Solange rencontre un francophone canadien à une soirée. Il s’appelle Kouhouesso, joue plutôt sur les planches, a de longs cheveux qu’il attache en dreadlocks et est terriblement sexy. Dès le premier soir, blanc sur noir, noir sur blanc, Solange chavire. Dès lors commence une attente qui n’en finit plus. Pendant des mois, Kouhouesso déboule dans la villa de Solange quand ça lui chante et disparaît, quelques jours et parfois plus. Il l’aime à sa manière, mais n’a qu’une seule idée en tête : adapter sa version du Cœur des Ténèbres de Conrad qu’il voudrait tourner en Afrique. Un retour auquel il convie comme actrice une Solange qui se morfond chez elle en attendant un coup de fil et qui marque un point de non-retour pour ce couple mixte que Marie Darrieussecq présente comme encore choquant, 50 ans après la victoire des “Civil Rights”.
Avec un titre durassien, baigné de sentiments profonds mais toujours mélancoliques et doux, Il faut beaucoup aimer les hommes marque une certaine quiétude dans l’œuvre jusqu’ici très caustique de Marie Darrieussecq. Personnage de l’attente et donc éternel féminin, Solange a la sagesse de demander plus qu’elle ne sait pouvoir recevoir et livre un drôle de petit guide des relations hommes-femmes. Les premiers, insaisissables et jamais fiables, sur le front de la création des idées, les deuxièmes dans le don. Il y a bien sûr de l’ironie dans ce portrait doux-amer, mais un fond à la fois apaisé et douloureux qui n’empêche pas les phrases saisissantes et la justesse des éclats de plume. Un texte fort et beau, qui, au-delà du couple mixte, dépeint les profondeurs archétypales de nombreuses histoires d’amour.
Marie Darrieussecq, Il faut beaucoup aimer les hommes, P.O.L., 315 pages, 18 euros. Sortie le 22 août 2013.
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