Essais
« Parasites » de Nicolas Framont : “Ils sont trop riches pour garder notre calme, il est trop tard pour rester poli.”

« Parasites » de Nicolas Framont : “Ils sont trop riches pour garder notre calme, il est trop tard pour rester poli.”

29 June 2023 | PAR Julien Coquet

Le fondateur du magazine en ligne Frustration rappelle dans cet ouvrage clair tous les méfaits de la bourgeoisie.

Tel Anthony Galluzzo dénonçant récemment le mythe de l’entrepreneur, Nicolas Framont déboulonne lui aussi une statue, celle des bourgeois. Sans verser dans une approche conspirationniste, l’auteur déroule ses arguments pour reconsidérer la bourgeoisie, qu’il compare à des parasites, loin des clichés que l’on nous sert à longueur de journée (« les riches créent des emplois », la théorie du ruissellement, la majorité des riches se sont fait tout seul…). En réalité, la fortune des bourgeois vient de « l’héritage, la prédation et l’exploitation ».

La classe parasite, selon Nicolas Framont, ne nous rapporte rien, et nous procure plus de désagréments que de bonnes choses. L’auteur prend ainsi l’exemple de la fortune des Leclerc qui s’est fait sur la naissance et le développement des hypermarchés, au détriment des épiceries et de la destruction de nombreux emplois. Il suffit également de se pencher sur l’écologie et la part de responsabilité des plus riches : selon Oxfam, le patrimoine financier des 63 Français les plus riches pollue autant que la moitié de la population française. Enfin, telles des tiques, les bourgeois engloutissent les aides publiques destinées aux entreprises (notamment le CICE), dont l’efficacité n’est pas vraiment démontrée.

Afin de faire accepter leur idéologie et l’idée qu’ils servent à la société, les bourgeois sont aidés par les médias qu’ils achètent, et par les hommes et femmes politiques qui partagent bien souvent leur idéologie, passant du public au privé tout au long de leur carrière professionnelle. Dans son projet, la bourgeoisie se retrouve donc aidée par la sous-bourgeoisie (« courroie de transmission entre bourgeoisie et classe laborieuse » composée d’artistes, d’idéologues et de cadres supérieurs) et par la petite bourgeoisie, « une catégorie sociale qui « réussit », c’est-à-dire qui tire son épingle du jeu au sein du système capitaliste, que cela soit par héritage ou par succès professionnel au sens strict ». Nicolas Framont analyse ainsi de façon intéressante l’émission Quotidien dans laquelle Yann Barthès cire les pompes des patrons du CAC40 (on pourra lire aussi cet article de Télérama).

Dans un dernier chapitre, Nicolas Framont propose quelques remèdes pour mettre fin au règne de la bourgeoisie. Selon lui, une telle concentration des richesses et de pouvoir ne peut que nous conduire à nous engager et à lutter. Parasites propose donc une synthèse bienvenue sur la lutte des classes aujourd’hui, et se lit aisément grâce à de nombreux exemples, des familles Mulliez et Saadé aux écrits d’Eva Illouz ou encore au film Sans filtre de Ruben Östlund.

« La psychologie positive a inspiré des centaines de méthodes de management qui ont le même principe de base : plutôt que de chercher à améliorer leurs conditions de travail, il s’agit de pousser les salariés à s’intéresser à leur état d’esprit au travail. C’est ainsi que nombre de cadres licenciés, en France, ont droit à leur accompagnement par un cabinet de consultants labellisés par l’un de ces méthodes, qui vont proposer des ateliers de méditation en pleine conscience ou des formations à l’apprentissage des étapes du deuil. Autrement dit, des décisions qui devraient soulever des questions collectives et politiques – le licenciement de masse pour ne citer que lui – sont réduites, avec la psychologie positive, à des problèmes individuels, voire intimes. Des problèmes que l’on pourrait atténuer soit en travaillant sur ses propres émotions, soit en faisant des exercices de sophrologie, soit en réfléchissant à la vie, bref, en gérant ses difficultés sans emmerder son monde, et encore moins le patronat responsable de son sort. »

Parasites, Nicolas FRAMONT, Editions Les Liens qui Libèrent, 288 pages, 19,50 €

Visuel : Couverture du livre

A Hendaye, la Bidassoa s’offre au slow tourisme
Domani, le miracle aveugle de Romeo Castellucci à la Biennale de Venise
Julien Coquet

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration