
“Le pouvoir au féminin”, Elisabeth Badinter : Marie-Thérèse d’Autriche
Elisabeth Badinter a déjà œuvré par le passé pour proposer une relecture plus sensible de l’histoire, qui n’exclurait pas les humeurs – cf. L’Amour en plus, essai sur la construction culturelle du fameux “instinct maternel”. Dans le même esprit, elle nous livre sa vision de la biographie de Marie-Thérèse d’Autriche, tentant de réconcilier ses trois corps a priori contradictoires : femme, mère et impératrice.
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Agrémenté d’une carte, d’une généalogie des Habsbourg-Lorraine, d’un index et d’une bibliographie nourrie, Le pouvoir au féminin est bien un essai historique conforme aux critères du genre. D’une plume alerte, Badinter brosse le contexte historique qui devait permettre à la fille de Charles VI, contre toute attente, de se retrouver archiduchesse d’Autriche et reine de Hongrie et de Bohème.
L’auteure montre comment les sentiments sincères de Marie-Thérèse pour son époux François Ier du Saint-Empire favorisent sa corégence, plus acceptable aux yeux du peuple que sa seule domination. Le retournement de Frédéric II, roi de Prusse, contre un pays allié qu’il juge désormais plus facile à renverser en raison du sexe de sa souveraine est également bien rendu sous cette perspective intime.
Il est dommage en revanche que le temps s’étire sur la fin de l’ouvrage, pour commenter la mésentente de l’impératrice avec son propre fils, Joseph II, avec qui elle entretient une corégence difficile, refusant de lui abandonner le pouvoir. Si l’on sent bien le poids des ans et des grossesses (dix-sept !!) sur sa capacité à gouverner, on aurait aimé que ses relations avec ses autres enfants soient aussi présentes. Nous pensons notamment à sa nostalgie face à l’absence de sa fille Marie-Antoinette, mariée au dauphin de France, futur Louis XVI, qui transparaît dans sa correspondance avec elle, et à laquelle on doit le premier portrait de Marie-Antoinette en habit de cour par Elisabeth Vigée-Lebrun.
Dans le document qui déclare François corégent, elle affirme ses droits entiers et imprescriptibles à la souveraineté, mais elle ajoute qu'”à cause de son sexe, elle a besoin de son aide pour gouverner”. p. 79
Le pouvoir au féminin, Marie-Thérèse d’Autriche, 1717-1780, l’impératrice-reine, Elisabeth Badinter, éditions Flammarion, 365 p. novembre 2016, 21,90 €
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