Fictions
“Boulder” : un roman à ne surtout pas bouder

“Boulder” : un roman à ne surtout pas bouder

25 August 2022 | PAR Marianne Fougere

Le public français connaît peu l’œuvre de l’écrivaine et poétesse catalane Eva Baltasar. Espérons que ce génial Boulder envoie bouler cet état de fait.

 

Boulder. Vous trouvez ce titre saugrenu ? Que diriez-vous alors si on vous affublait d’un tel surnom ?! C’est pourtant ce qui arrive au personnage principal du nouveau roman de la catalane Eva Baltasar.

Il faut dire que solitaire cette cuisinière semble toujours l’avoir été. Comme les grandes roches que l’on trouve au sud de la Patagonie. Libre et solitaire jusqu’à sa rencontre avec Samsa dans une auberge du port de Chaitén. De cuisinière sans attache, voguant sur un navire le long de la côte pacifique sud-américaine, Boulder devient maîtresse. Pire amoureuse. Obligée d’accepter de petits boulots pour ne pas devenir femme au foyer. Obligée de céder au désir d’enfant de son amante pour ne pas être la putain de l’histoire. Mais rien n’y fait. Alors que le ventre de Samsa s’arrondit, Boulder devient une paria dans sa propre maison. Obligée de chercher refuge ailleurs. Dans l’alcool, le corps des autres femmes, les empanadas. Tels des geysers, ces petits chaussons bombés constituent pour elle la seule source de chaleur diffuse.

Boulder est le roman de l’érosion amoureuse que l’on attendait. De la rencontre à la rupture, des scènes de sexe aux sentiments contrariés, Eva Baltasar décrit minutieusement la chronologie – et le naufrage – d’une relation entre deux femmes. La langue est brute. Elle pique presque. Comme peut le faire l’eau salée de la mer sur le bout de nos langues en été. Ou la transpiration léchée sur le corps de l’être aimé. Tragique, le roman montre néanmoins que sombrer n’a rien d’une fatalité. Il est toujours possible de remonter à bord du navire de la vie. De ré-embarquer. Boulder donne surtout à voir une femme forte. Un roc qui doit résister de toutes parts aux assauts des vagues sociales qui voudraient inextricablement lier féminité et maternité. Notre héroïne a sans doute assumé la maternité, par amour pour Samsa et non par besoin d’enfant. Elle l’a peut-être même revendiqué. Mais pour elle, “la maternité [reste] ce tatouage qui fixe et numérote la vie sur ton bras, la tache qui inhibe la liberté”. Et qui sommes-nous pour la juger ?

 

Eva Baltasar, Boulder, Paris, Verdier, sortie le 25 août 2022, 128 p., 18, 50 euros.

Visuel : couverture du livre

La Mousson d’été, premier jour d’une nouvelle édition sans Michel Didym
“Le Pas de la Demi-Lune” : un pas de côté bienvenu
Marianne Fougere

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration