
« Les Beaux gestes », retour sur 20 ans de Baro d’evel
La compagnie de cirque Baro d’evel se dévoile dans un très beau livre, Les Beaux gestes, constitué d’entretiens avec Barbara Métais-Chastanier et de nombreuses photographies issues de leurs différents spectacles.
De l’interview comme maïeutique
Le livre se présente au premier abord comme un livre d’interviews, celles menées par Barbara Métais-Chastanier avec les circassien.ne.s Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias. A l’origine tou.te.s deux de la compagnie franco-catalane Baro d’evel, iels nous livrent ici les réflexions à l’origine de leurs pratiques artistiques. Le ton des discussions, fait de simplicité et de connivence, ancre ces échanges dans le cadre de la conversation entre ami.e.s, qui nous permet de pénétrer sur la pointe des pieds dans l’univers de la compagnie.
Un art du syncrétisme
Où nous découvrons l’influence de la peinture sur leur travail, avec Tapiès, dont le travail sur le blanc de Meudon n’est pas sans évoquer les spectacles Là et Falaise. L’influence, aussi, du cinéma, avec des figures comme Buster Keaton, Tati ou Tarkovski, dont la poésie repose en grande partie sur l’entremêlement du quotidien et de l’absurde.
Car le travail de Baro d’evel, c’est avant tout la conciliation des contraires : le tragique et le burlesque, le féminin et le masculin, l’animal et l’humain (voir Mazùt ou Bestias)… Une place particulière est d’ailleurs accordée à la réflexion sur le statut des animaux dans le spectacle contemporain.
Le refus de la performance
Ces contraires que la compagnie réconcilie, ce sont aussi l’échec et la réussite : comment partir des accidents pour créer ? Comment faire du cirque quand on n’est pas virtuose ? Les circassien.ne.s s’approprient ici l’adage de Beckett : « Essayer encore. Rater encore. Rater mieux. »
La place accordée parmi les très nombreuses illustrations aux croquis et schémas s’inscrit dans cette démarche : tout, chez Baro d’evel, fait œuvre, des dessins préparatoires aux photographies travaillées de Christophe Raynaud de Lage.
Un album-photos
Car ce livre se présente également comme un magnifique album-photos. Des photographies de plateau (ou de chapiteau), pour une part, mais aussi, de leur cave-coopérative, conçue comme un lieu de création in situ. Ce qui frappe, dans ces photos, c’est, malgré la pluralité de leurs auteurs, leur profonde unité. Qu’elles soient en couleur ou en noir et blanc, prises en intérieur ou en extérieur, elles participent toutes d’une forme de déréalisation du monde, introduisant du poétique dans chacun des espaces ainsi capturés.
352 pages – 45€
Visuel : © Baro d’evel – Photo Christophe Raynaud de Lage