Cinema
Cannes 2019, ACID : “Solo” de Artemio Benki, portrait d’un pianiste virtuose qui se cherche entre folie et création

Cannes 2019, ACID : “Solo” de Artemio Benki, portrait d’un pianiste virtuose qui se cherche entre folie et création

23 May 2019 | PAR Lou Baudillon

Solo de Artemio Benki, sélectionné pour l’ACID de cette 72e édition du Festival de Cannes, prend racine dans la visite du réalisateur à l’hôpital psychiatrique El Borda en Argentine durant laquelle il rencontre Martín Perino, pianiste virtuose interné là depuis quatre ans. 

De cette rencontre naît le désir de film et de raconter le quotidien de la figure très présente de l’hôpital de celui qu’on appelle “le maestro”. Artemio Benki nous livre avec une étrange intimité le portait de cet homme, Martín Perino, qui tente de trouver sa place dans un monde dont il semble si souvent être absent. Au cœur du documentaire, l’acharnée passion avec laquelle ce pianiste créer sa nouvelle pièce Enfermaria et la volonté de s’en sortir, de retrouver prétendue la liberté de l’extérieur. Par ses allers-retours entre cet extérieur et l’intérieur de l’hôpital, Martín fait le lien entre deux univers dont on vient à se demander lequel serait le plus sain d’esprit. La normalité est-elle chose établie ou ses frontières peuvent-elles se penser en fonction des individus ? 

Martín, qui porte en lui un destin, qui semble à mille lieux de celle de la plupart des gens, affronte sa propre sensibilité exacerbée et l’impossible adaptation. Ce qui l’a conduit à être interné c’est par ailleurs cette sensibilité qu’il appréhende par la création. Tout au long du film, il explique autour de lui comment la composition et l’intensité des entraînements l’ont conduit à la schizophrénie et à la paranoïa. D’autres fois, on observe un homme assombri, dans une profonde solitude et tapotant avec anxiété sur un piano imaginaire. On découvre chaque instant une personne différente, comme si Martín poursuivait des chemins qui prennent des sens opposés : celui de la vie en société, de la sortie de la folie, puis celui de création qui le conduit à l’enfermement et à la névrose. Il se débat sans cesse à trouver la justesse, la force d’échapper à la peur de soi-même. 

Par sa caméra discrète et délicate, jamais voyeuriste, Artemio Benki se fait tisseur de liens entre l’humanité et la création, entre ce qui est normal et ce qui ne l’est pas, entre nous et Martín Perino, et nous invite finalement à regarder autrement, par l’intime, cet éternel questionnement autour de la folie.

Visuels : ©ACID 

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