Cinema
[L’Étrange Festival] « Men and Chicken » : la Ferme des Animaux

[L’Étrange Festival] « Men and Chicken » : la Ferme des Animaux

07 September 2015 | PAR Willy Orr

Gabriel et Elias, deux frères, découvrent suite à la mort de leur père qu’ils ont été adoptés. Bien décidés à se confronter à leur père biologique, ils vont partir à la recherche de leurs origines sur une mystérieuse île de 42 habitants, où ils feront connaissance avec leurs trois étranges demi-
frères.

[rating=3]

Film d’Anders Thomas Jensen, réalisateur d’Adam’s Apples mais aussi scénariste, entre autres, de l’Antichrist de Lars Van trier ou du Revenge de Susanne Bier, Men and Chicken nous présente un Mads Mikkelsen complètement déjanté, évoluant autour de personnages aussi inquiétants que loufoques. Très vite, le film va se resserrer comme un étau autour de la nouvelle communauté formée par la fratrie récemment agrandie.

Elias, le personnage de Mikkelsen, est un homme bourru, violent, à la vie rythmée par de nombreuses envies de masturbation frénétiques. Autant dire qu’il s’intègre parfaitement au trio des résidents de l’île, eux aussi cantonnés à des moyens d’expression simples, un coup de planche sur la tête résolvant la majorité des conflits. Gabriel, au contraire, frêle professeur de philosophie à l’Université, se voit déplacer une lombaire et passer la majorité du film en fauteuil roulant, seulement après sa seconde altercation avec sa nouvelle famille. Il sera donc le pivot du récit, étant le seul capable de faire évoluer un minimum la situation.

Imaginez donc une vie en société où les dessins des assiettes sur lesquelles on mange indiquent la valeur sociale, où faire des bêtises conduit à être enfermé dans une cage au milieu du jardin, où s’entrainer sur des poulets avant de rencontrer de vraies femmes n’a rien de bizarre, où lire des traités de psychologie comme histoire pour dormir le soir est parfaitement rentré dans les mœurs, et où, enfin, tout ouvrage de fiction est banni des bibliothèques, rendant les abrutis violents lettrés, mais très terre­-à-­terre.

Si les dialogues entre les cinq frères ne manquent pas de sel, puisqu’ils expriment souvent le paradoxe entre un mode de vie barbare et une véritable culture tirée des ouvrages mis à leur disposition, on regrettera que le film ne laisse pas aux personnages le luxe ou la possibilité de changer un minimum, chaque frère restant campé dans ses positions relativement stéréotypées (Gabriel le frère brillant, Elias le violent, Josef le goinfre, Gregor le niais, Franz le chef…).

La première image de Franz battant un de ses frères à coup d’animal empaillé aura, par un exemple, un certain charme. Le voir toujours se trimballer avec, comme un totem tribal, fera par contre perdre de son intérêt au geste. La répétition des actions et des situations crée ainsi une lassitude contre laquelle le réalisateur semble toujours lutter, ravivant notre intention avec une énième loufoquerie, qui dix minutes plus tard sera à nouveau trop utilisée.

La résolution de l’énigme des origines de la fratrie justifie certes cette sorte de déterminisme intellectuel et physique des personnages. Sans révéler le cœur d’une intrigue qui pour le coup est franchement divertissante et bien pensée, il restera une petite déception à la sortie de la salle ; celle de ne pas avoir eu des personnages plus étoffés, qui auraient pu mieux porter un récit pourtant riche et original grâce à des actions et des situations un peu moins répétitives. Malgré tout, mention spéciale à Mads Mikkelsen. Avec ce rôle à contre emploi d’abruti masturbateur absolument dégueulasse (il n’y a pas d’autres mots), l’acteur nous montre toute l’étendue de ses talents comiques.

Qu’on se le dise, Men and Chicken reste un film avec une atmosphère particulièrement bien pensée. Sa galerie de personnage, bien que perdant peu à peu de son charme, reste très amusante. Il s’en est finalement fallu de peu pour que ce film soit brillant. Cela explique sans doute notre envie de lui voler un peu dans les plumes.

MÆND & HØNS 2015. Couleur. 104 mn. VOSTA. Réalisation : Anders Thomas Jensen.Production : Studio Babelsberg Motion Picture, DCM Productions, M&M Productions.Scénario : Anders Thomas Jensen.Avec : David Dencik, Mads Mikkelsen, Nikolaj Lie Kaas.Pays : Danemark.Genre : Comédie.
Première française.Compétition internationale.

Le programme complet de L’Etrange Festival se consulte par ici.

Visuel : (c) DR

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