Cinema
[L’Étrange Festival] « La Peau de Bax » : un film à avoir dans le viseur

[L’Étrange Festival] « La Peau de Bax » : un film à avoir dans le viseur

05 September 2015 | PAR Willy Orr

Schneider se réveille le matin de son anniversaire, entouré de sa femme et ses deux petites filles qui lui chantent une charmante chanson. Il reçoit peu après un coup de fil, et doit précipitamment aller travailler alors qu’il désirait profiter pleinement de son jour de repos. Qui plus est, son employeur exige de lui bien plus qu’une simple permanence…  

[rating=4]

Film d’Alex Van Warmerdam, un des chouchous du festival diffusé depuis ses débuts, La Peau de Bax a pour titre original Schneider vs Bax. Cette formule traduit beaucoup mieux le cœur des enjeux du film, qui gravitent autour de ces deux personnages en opposition permanente. En nous présentant son travail (à distance via une vidéo diffusée avant le film, n’ayant pas pu être devant nous au moment de la projection pour des raisons inconnues), Van Warmerdam insiste sur sa volonté de ne pas parler du film avant que le spectateur ne l’ai vu. Croyant au public ignorant, il souhaite que ce dernier ait un regard innocent sur le contenu proposé, sans attentes a priori.

Difficile pour nous, dès lors, d’en faire une chronique de fond. Il pourrait sembler que cette attitude du réalisateur tienne plus de la posture que de la conviction. Mais il est bien vrai qu’après avoir vu le film, force est de constater qu’en décrire le récit serait une erreur grossière, puisque toute la force du film réside à la fois dans des dialogues magnifiquement écrits et interprétés, et dans un jeu du chat et de la souris entre différents personnages qu’il serait presque de mauvais goût de révéler.

Cependant, il nous faut bien recommander La Peau de Bax, qui plus est chaleureusement. Tout d’abord, à cause de son atmosphère si particulière, du genre de celles que nous aimerions voir plus souvent, et que nous nous attendions à voir jaillir précisément dans cet Étrange Festival. L’ambiance du film joue en effet avec un décalage saisissant entre des espaces intérieurs lumineux, propres, blancs, presque cliniques; la rigueur hollandaise se substituant pour l’occasion à l’allemande, et l’espace du dehors, en pleine nature : sale, marécageux, au milieu des roseaux et des arbres qui sont autant d’artifices de dissimulation des corps -vivants comme morts-. Les personnages, en évoluant constamment d’un espace à l’autre, nous semblent danser entre deux scènes à la fois en opposition totale, et mystérieusement liées.

C’est aussi exactement le cas des deux héros du film (nous pourrions dire trois, mais ce serait révéler la présence d’un personnage-clé qu’il vaut mieux vous laisser découvrir), Schneider et Bax. Plus que deux hommes confrontés l’un à l’autre dans une course à la survie, ce sont deux visions de l’homme drastiquement opposées qui s’affrontent. D’un côté, le père de famille accompli. De l’autre, l’ermite écrivain aux relations humaines plus que fragiles. D’un côté, l’homme social, de l’autre l’homme solitaire, replié dans la mangrove.

Étrangement c’est Schneider, étant éloigné de sa famille parfaite, qui nous semble en rupture totale avec elle. Bax, au contraire, est confronté aux remous familiaux de son père ou de sa fille, et est donc en lutte permanente avec sa médiocrité sociale, donnant au personnage un charme et une force comique saisissants. Si ces hommes semblent si différents, ils sont pourtant bien plus proches que l’on oserait l’imaginer, comme on nous le montrera au fil du récit.

Le film lui-même est structuré en deux mouvements très différents. Le premier est extrêmement dynamique, résultant d’un télescopage de personnages inattendus qui empêchent les deux héros d’interagir l’un avec l’autre. Une fois ces conflits « mineurs » résolus grâce à différents ressorts bien souvent hilarants, on passe au deuxième mouvement du film. S’y déroule une confrontation entre les deux personnages principaux (sans oublier l’élément inconnu à découvrir en salle), qui pour une raison ou une autre devront entamer une lutte à mort.

C’est dans ces liens mystérieux entre des éléments a priori opposés (espace intérieur et extérieur, Schneider et Bax, Acte I et Acte II du film) que se trouve tout le sel du film. A la fois très bien écrit et mis en scène, La Peau de Bax mérite bien largement le coup d’œil, quitte même à  coller ce dernier à une lunette de fusil ; l’usage du viseur étant un des grands « gimmick » visuel du film, créant des possibilités de montage extrêmement bien exploitées par le réalisateur. Bref, disons-le clairement : ce film pourrait être un des gros coups de cœur des festivaliers.

SCHNEIDER VS. BAX 2015. Couleur. 96 mn. VOSTF. Réalisation : Alex Van Warmerdam.Production : Graniet Film BV, CZAR, Mollywood.Scénario : Alex Van Warmerdam.Avec : Alex Van Warmerdam, Tom Dewispelaere, Maria Kraakman.Pays : Pays-Bas.Genre : Comédie, Thriller.
Première française. Compétition internationale.

Le programme complet de L’Etrange Festival se consulte par ici.

Visuel : (c) DR

La censure chinoise autorise un film narrant l’histoire d’Amour de deux hommes
“Le métier de vivant” : fraternités et spleen chez François Saintonge
Willy Orr

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration