La Route, une adaptation synthétique du roman de Cormac McCarthy
La Route est un film de John Hillcoat adapté du roman éponyme écrit par Cormac McCarthy et qui fut récompensé en 2007 du prix Pullitzer. L’histoire est celle d’un père joué par Viggo Mortensen et son fils Kodi Smit-McPhee qui tentent de survivre dans un monde réduit à un véritable cauchemard les yeux ouverts.
Dans le monde tel que le dépeint John Hillcoat dans son film, l’Humanité, cette flamme vacillante de l’espoir et du sentiment a cessé d’être. La Terre se meurt, entraînant avec elle, la morale et la civilisation humaine. Le monde devient une vaste étendue anonyme, submergée par la bestialité et la perversion. L’instinct de survie fait force et règne en maître absolu. Au milieu de ce sombre tableau, un père et son fils tentent de survivre, en explorant ce paysage de désolation en quête de nourritures. Ce qui les fait se mouvoir dans leur périnégration, c’est avant tout la recherche d’une communauté. Ce lien de solidarité, cette chaleur humaine qui leur fait tant défaut et ce manque les enfonce un peu plus dans l’isolement. Tout au long de leur parcours dans une nature désolée, ils ne rencontrent que des morts, soit physiques, victimes du cannibalisme ou bien morales, les bourreaux des victimes. Le père et le fils deviennent alors les dernières lueurs d’espoirs flottantes dans l’obscurité des ténèbres, qui eux sont malheureusement devenus bien réels. Viggo Mortensen est un personnage désespéré par la mort volontaire de sa femme Charlize Theron, ne tenant à la vie que grâce à l’amour paternel qu’il entretient pour son fils.
Son fils, Kodi Smit-McPhee suit son père vers un meilleur horizon par défaut car au fond sa mère lui manque tellement qu’il aimerait se laisser aller au désespoir mortifère. Mais c’est son imagination et la capacité de l’enfance à rêver qui le maintient en vie. Une simple étendue bleue désignant un océan sur la carte routière de son père, lui permet de fomenter des rêves intérieurs de vie meilleure. Cette couleur bleue, l’espoir d’une solution à tout ce marasme est le mirage qui permet à son fils d’accepter inconsciemment, ce que son père veut lui faire entendre. Le paysage désolé campé par le réalisateur est un prétexte au dénuement, pour magnifier la relation complexe d’un père et de son fils, orphelins tous les deux d’une femme aimée qui a préféré se suicider plutôt que d’essayer de survivre. Le souvenir de cette femme suit les protagonistes tout au long de l’histoire, par des flashs-back incessants et sert entre autre de réveil-matin à son mari… L’image de la femme aimée qui aura rendu les armes pour ne plus souffrir devient le reflet d’un miroir sociétal devant notre refus à imaginer et surtout accepter de vivre le pire. Dans une pareille situation probable ou non, la majorité de la population préférera mourir plutôt que de survivre.
A contrario, la force du duo père-fils, leur abnégation à survivre se situent dans la volonté de ne pas céder à la facilité, de se laisser porter par le flot du désespoir catatonique. Une solution qui les enverrait dans un monde où ils n’auraient plus à se poser la question de leur survie. Leur humanité aurait alors déserté leur cœur, pour laisser la froideur de la mort clamer sa victoire. Pour camper cette atmosphère grave et inquiétante, le réalisateur a choisi d’utiliser une photographie dénuée d’artifices, un minimalisme et une manière très personnelle de faire ressurgir l’âme des paysages désolés. Une âme flétrie, reflet du mutisme de la Nature qui ne sait s’exprimer que par l’action. Là ou Cormac McCarthy avait su installer un certain lyrisme si l’on peut dire dans la terreur des situations, Hillcoat se contente de nous la montrer froidement sans artifices mais sans génie non plus. Cette sensation triviale de poser la narration nous renvoie parfois à la construction scénaristique d’un banal film d’horreur sans intérêt. Dans son livre, McCarthy avait su mettre du talent et laisser le lecteur imaginer la terreur par son imagination, Hillcoat enlève toute suggestion pour nous la livrer telle quel. Un regret pour une posture qui aurait donné de la richesse dans la construction de l’atmosphère. Pour ce qui est des acteurs, Viggo Mortensen démontre tout son professionalisme avec cette capacité à s’approprier un rôle au vu de sa transformation physique. Tandis que Kodi Smit-McPhee se révèle plutôt convaincant en enfant abandonné par sa mère et tributaire du bon vouloir de son père.
Finalement le film La Route est un drame qui se laisse regarder même si la mise en situation est parfois trop lente et manque de panache, la prestation sans reproches de Viggo Mortensen et la relation père-fils avec Kodi Smit-McPhee dans leur survie en milieu très hostile (et c’est un euphémisme) vaut le détour.
La Route de John Hillcoat avec Viggo Mortensen, Kodi Smit-McPhee, Charlize Theron, Robert Duvall et Guy Pearce, USA, 2007, 1h59.
Sortie le 2 décembre 2009.