Cinema
Quatrième édition du Festival du film politique de Carcassonne, jour 3 : corps à soi

Quatrième édition du Festival du film politique de Carcassonne, jour 3 : corps à soi

18 January 2022 | PAR Alexis Duval

Pour sa troisième journée, la manifestation cinématographique audoise a pris son envol en direction du Salvador et de l’Allemagne pour deux films à portée universelle.

Ville d’histoire, Carcassonne sait se mettre au diapason du monde contemporain. En témoigne la troisième jour du Festival international du film politique de Carcassonne, dimanche 16 janvier. La matinée était riche en rencontres, avec un entretien avec Thomas Kruithof, le réalisateur des Promesses (à retrouver bientôt sur Toute La Culture), et une discussion informelle avec le jury étudiant.

Fly So Far, imparfait mais nécessaire

Vendredi et samedi ont exploré la multiplicité des territoires (à l’exception du film estonien Goodbye Soviet Union). Dimanche, le festival a passé les frontières et exploré des horizons plus lointains. L’après-midi a débuté avec la projection du documentaire Fly So Far de la réalisatrice helvéto-salvadorienne Celina Escher. Le témoignage poignant de Teodora Vasquez,  Salvadorienne condamnée à trente ans de réclusion pour avoir fait… une fausse couche. Le film commence alors qu’elle a déjà passé près de dix ans derrière les barreaux pour « homicide aggravé ». Son pays dispose d’une des législations les plus contraignantes au monde en matière de droit à l’avortement.

Dommage que le documentaire prenne des airs inutiles de mélodrame, tant son sujet se suffit à lui-même. La bande-son de cordes lacrymales et les témoignages un brin répétitifs de victimes finissent par agacer. Reste que tout imparfait qu’il est, ce long-métrage met en lumière un combat dépassant les enjeux du Salvador : le droit à disposer de son corps. La dimension universelle du film le rend ainsi nécessaire.

Great Freedom, grand film d’amour malade

Côté fiction, Great Freedom illustre à sa manière la même question du corps politique. L’histoire inspirée de faits réels d’un prisonnier allemand incarcéré parce qu’homosexuel. Alors qu’il a subi l’horreur de la déportation en camp de concentration, il se retrouve déféré dès la fin de la seconde guerre mondiale. Le monde carcéral ne lui épargne ni les humiliations, ni la solitude. Son compagnon de chambrée, tatoueur bourru, le rejette d’abord, avant de s’attendrir et s’ouvrir aux autres.

Dans ce formidable long-métrage de l’Autrichien Sebastian Meise, le corps est un objet à part entière. Celui du comédien et danseur Franz Rogowski passe d’une silhouette famélique à une sveltesse gracile puis à une musculature nerveuse. Pour se repérer dans les allers-retours dans la chronologie, l’évolution de la pilosité du personnage sera un repère précieux pour le spectateur. Les tatouages, eux, sont autant de palimpsestes d’un passé que les protagonistes tentent d’invisibiliser.

Scène de backroom belle et culottée

Performance d’acteur exceptionnelle, grand film d’amour malade sur vingt ans et trois époques, plaidoyer rugueux pour la tolérance et la différence… Great Freedom est tout cela à la fois, et plus encore. Ni trop bavarde ni trop elliptique, la construction de l’identité de chaque personnage est un modèle d’équilibre. La photographie, qui joue sur la ténébreuse obscurité de ce lieu clos qu’est un espace carcéral, est remarquable.

Un des moments de bravoure a pour un cadre un autre endroit fermé, un club gay de jazz appelé Grosse Freiheit… soit « la grande liberté ». La scène de backroom, avec en bande son la chanson de Mouloudji L’amour l’amour l’amour, nous restera longtemps en mémoire par sa beauté et son culot. De très belles émotions ont ainsi continué d’émailler le Festival du film politique de Carcassonne. D’édition en édition, le rendez-vous audois gagne en maturité en étoffant sa palette cinéphilique. On en redemande !

Visuels : Photos officielles Great Freedom (c) Paname Distribution / Sortie le 9 février 2022

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