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Étrange Festival 2021 : Extraneous Matter conjugue amour et tentacules avec émotion

Étrange Festival 2021 : Extraneous Matter conjugue amour et tentacules avec émotion

14 September 2021 | PAR Geoffrey Nabavian

Démarrant comme une pochade, ce film japonais se montre ensuite expert à opérer des ruptures de ton, et glisse dans une mélancolie émouvante. L’Étrange Festival se poursuit jusqu’au 19 septembre à Paris, dans les salles de projection du Forum des images.

Film japonais en noir et blanc durant un peu plus d’une heure, Extraneous Matter débute d’une manière qui semble influencée par certains scénarios de mangas érotiques rigolards : une jeune femme aux journées vides et répétitives tombe un jour, chez elle, sur une créature tentaculaire couleur goudron qui utilise ses appendices de façon sexuelle sur elle. Malgré les plans et cadrages très étudiés, l’atmosphère du film paraît au départ peu sérieuse. D’autant plus que le monstre en question arbore un côté “marionnette” fabriquée sans effets spéciaux coûteux, et que le petit ami de l’héroïne, méprisant et méprisable, subit bientôt lui aussi l’effet des tentacules lors d’une scène assez drôle.

Le glissement vers une autre ambiance s’opère lors d’une scène de rendez-vous dans un bar, où un jeune homme présente à une amie la créature : l’aspect blague est toujours là, mais on sent que le film part vers quelque chose de plus inattendu. Suit alors un long passage totalement différent : on apprend que ces monstres tentaculaires noirs ont proliféré sur la Terre, et ont fini par dépérir. On se retrouve à suivre un jeune employé d’usine qui, lui, comprend le langage de ces êtres fantastiques, et en sauve un, qui agonisait.

Le film prend alors des couleurs mélancoliques et émouvantes, renforcées par le jeu des acteurs, le bon dosage côté humour, et la mise en scène au cordeau du réalisateur Kenichi Ugana, qui s’exprime alors avec toute sa force. On se prend à rester ému en fin de compte devant ce film au final très humain. Qui a peu de chances de sortir dans les salles de cinéma françaises, ou encore en DVD ou Blu-Ray…

Démarrée sur un ton blagueur, cette œuvre, projetée dans le cadre de l’Étrange Festival 2021 en Mondovision, pourrait même se rapprocher au final, en termes de force, du très ambitieux Tin Can, présenté lui en Compétition pour le Grand Prix Nouveau genre. Des plans sur des végétaux d’appartement en pot attendant un avenir incertain font se rejoindre les deux films quoi qu’il en soit…

Du fait de sa brève durée, cette production s’est vue projetée avec, avant elle, le court Fou de Bassan de Yann Gonzalez. Une sorte de mini prolongement du très beau Un couteau dans le cœur, se déroulant sur quatre minutes et sur la musique de Jita Sensation – sur un morceau lui-même titré “Fou de Bassan” – et donnant à suivre des étreintes entre apparitions de tous les sexes dans un univers brumeux. Avec, au détour de quelques plans – tels celui sur un grand bloc de béton creux devenant tout à coup un immeuble aux multiples fenêtres devant lesquelles s’activent des êtres – cette capacité du réalisateur Gonzalez à faire naître un vrai univers quasi fantastique, solide et incarné.

L’Étrange Festival continue jusqu’au dimanche 19 septembre, à Paris dans les salles de projection du Forum des images. Programme et informations : https://bit.ly/3Aa8Lxb

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Visuels : Extraneous Matter © Kenichi Ugana

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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