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Léa Leboucq : « Le festival Seytou Africa expose un cinéma venu de l’intérieur du continent Africain »

Léa Leboucq : « Le festival Seytou Africa expose un cinéma venu de l’intérieur du continent Africain »

14 September 2021 | PAR Yaël Hirsch

Après une deuxième édition que la crise sanitaire a transformé en série de rencontres en 2020-21, la troisième édition du festival Seytou Africa aura bien lieu du 23 au 26 septembre à Paris, au Reflet Médicis. Une plongée dans les documentaires africains que nous présente l’une des trois initiatrices passionnées par ce cinéma, Léa Leboucq.

Comment vous êtes-vous rencontrées, avec les organisatrices du festival, Marie-France Aubert, Diarra Seck Meyer et Claire-Emmanuelle Blot ?

Il s’agit d’une rencontre d’amitié dans le cadre de nos études, de nos expériences de travail. Je fais partie de l’équipe non pas depuis le début de sa création mais l’année qui a suivi. Marie-France organisait un ciné-club autour du documentaire africain au Reflet Médicis, avant qu’il ne se transforme en festival. C’est une amie très proche que j’ai rencontrée à l’université à Paris, au cours de Master de Charles Tesson sur les cinémas d’Afrique subsaharienne. La même année, nous nous étions également retrouvées au Festival des Trois Continents à Nantes, avec Claire-Emmanuelle. Ces cinémas découverts ensemble nous a énormément marquées, notamment ses documentaires qui sont très et trop peu montrés. Même passion pour celles qui nous ont rejointes, Diarra Seck Meyer, Luisa Pastran et Fitiavana Andriamiarinjaka. 

Comment la crise sanitaire a-t-elle impacté Seytou Africa ?

La crise sanitaire a surtout impacté la 2e édition qui devait avoir lieu en juin 2020. Très vite, nous avons su que les salles ne rouvriraient pas leurs portes, ou alors pas dans des conditions satisfaisantes. La reporter à juin 2021 nous semblait compliqué, et nous avons décidé de créer des rendez-vous ponctuels durant l’année. Nous avons travaillé sur trois séances : celle de septembre qui a eu lieu avec le distributeur La Traverse et où nous avons projeté le long-métrage Yaaba du réalisateur burkinabé Idrissa Ouedraogo et un court-métrage du cinéaste sénégalais Djibril Diop Mambéty, Parlons grand-mère ; les deux autres rendez-vous prévus (en décembre nous devions projeter Talking About Trees de Suhaib Gasmelbari lors de l’anniversaire de la révolution soudanaise, et en février nous devions projeter avec le distributeur Laterit le documentaire En route pour le milliard, du réalisateur congolais Dieudo Hamadi) n’ont pas eu lieu. Et cette troisième édition ne pouvant pas encore se dérouler en juin, nous avons créé un rendez-vous en juillet, qui réunissait tout ce que nous aimions : le long-métrage de 2019 Talking about Trees, un court qui lui était lié puisque réalisé par l’un des protagonistes, Eltayeb Mahdi, dans les années 1970, une rencontre avec la productrice Marie Balducchi et un concert du musicien Ayman Mustafa Ali, en partenariat avec l’association L’atelier des artistes en exil. Et finalement, du 23 au 26 septembre, c’est dans des conditions presque normales que se tient la 3e édition du festival Seytou Africa dans notre cinéma partenaire depuis le début, le Reflet Médicis. Alors que nous n’avons pas encore tout à fait les budgets pour faire venir des équipes de très loin, la crise sanitaire n’impacte pas tellement les rencontres. Ce que cela a impacté, c’est la visibilité et la capacité de communiquer pour un festival qui est encore jeune.

On connait trop mal les documentaires africains. Pouvez-vous nous expliquer “Seytou” Africa et aussi vous intéressez-vous à tous les pays du continent ?

Seytou en Wolof, cela veut dire « le regard ». Regards d’Afrique au sens de point de vue et aussi de ce que donnent à voir les films, cela nous semble à la fois poétique et cela correspond bien à tout ce que nous voulons faire : le festival veut exposer des regards sur le continent africain qui en proviennent avec des réalisations des pays du continent plutôt qu’un œil venu d’ailleurs qui risque d’être exotisant. Parmi les pays dont nous montrons le plus de films, nous avons réalisé qu’il y en a pas mal d’Afrique subsaharienne (Sénégal, Mali, Burkina Faso, Soudan, République démocratique du Congo…), à la fois parce que, même si elle est encore fragile, il y a une économie du cinéma dans ces pays, avec des coproductions, mais aussi parce que les films et notamment les documentaires sont trop peu exposés et que nous voulons les montrer.

Comment choisissez-vous les films que vous montrez ?

Évidemment, nous les découvrons dans des festivals. J’ai parlé des Trois Continents à Nantes. Mais il y a aussi le Festival des cinémas d’Afrique à Apt, le festival Films Femmes Afrique de Dakar, le Festival de documentaire à Saint-Louis du Sénégal, le Fespaco et Visions du réel à Nyon. Il y a aussi le travail fait par des plateformes comme Tënk, lié au festival de Lussas. Et puis, grâce aux dernières éditions, maintenant, nous sommes en lien privilégié avec des personnes qui travaillent dans la production ou la distribution de documentaires, et nous avons des informations sur les films en frabrication, grâce à des structures amies. Désormais, les informations nous viennent par notre réseau.

Y a-t-il des liens entre cette 3e édition et la saison Africa?

La saison Africa était une occasion pour gagner en visibilité et nous avons déposé un projet avec des projections au Reflet Médicis, notre partenaire de toujours, ou dans des salles en région parisienne, mais notre structure était peut-être encore un peu jeune et le projet n’a pas été retenu.

Il y aura un DJ set en clôture. Le cinéma dialogue-t-il avec d’autres formes d’art pendant le festival ?

Le lien entre musique et cinéma est pour nous essentiel depuis le début du festival. Notre goût pour les cinémas d’Afrique résonne avec un goût pour la culture au sens large. Nous proposons des formes intimistes de concert qui se prêtent bien au format du festival et à celui du Reflet Médicis, avec de la musique dans la rue, sur le préau. Cela crée, à la sortie de la salle, une atmosphère propice à la rencontre, pour parler des films. Et c’est aussi un moyen d’attirer de nouveaux publics.

Quel est votre public, justement, à l’aube de cette 3e édition ?

Nous arrivons à organiser des événements qui parlent aux professionnels. Alors que ces derniers se montrent très attentifs à notre programmation, maintenant, tout l’enjeu de notre festival est de résonner auprès du public. Le public habitué du Reflet Médicis montre déjà beaucoup d’enthousiasme et de curiosité, on a vraiment réussi à continuer à faire venir ce public-là et nos proches. Sur la fidélisation d’autres publics on n’a pas encore assez de recul, mais on ne peut que progresser.

Quelle est la séance que vous attendez le plus dans cette 3e édition ?

D’un point de vue personnel, il y a la projection du samedi 25 septembre à 18 heures où l’on verra notamment le court métrage Trouble Sleep du réalisateur nigérian Alain Kassanda. Je l’ai rencontré quand j’étais étudiante : il était venu nous parler non seulement de son travail de cinéaste mais aussi de celui de programmateur. Lui permettre de venir rencontrer le public de Seytou Africa montre que c’est à mon tour de faire ce travail de lien et d’encourager la rencontre. Et sinon, dimanche 26 septembre à 16 heures, j’attends avec impatience l’avant-première de En route pour le milliard avec le réalisateur congolais Dieudo Hamadi. C’est une figure incontournable du documentaire et nous sommes très fières de présenter le film une semaine avant sa sortie, avec une rencontre animée par Farah Clémentine Dramani-Issifou, membre du comité de sélection des longs métrages de la Semaine de la critique et chercheuse.

 

Informations, ici. 

visuel : affiche du festival

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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