Cinema
<em>De l’usage du sextoy en temps de crise</em>, Eric Pittard est le Depardon du cancer

De l’usage du sextoy en temps de crise, Eric Pittard est le Depardon du cancer

12 April 2013 | PAR Amelie Blaustein Niddam

[rating=5]

Allez au fond… non pas de ce que vous croyez, ne vous fiez pas au titre, car dans ce film, ne soyez pas déçus, il n’y a presque pas de cul, et c’est bien l’un des problèmes. Eric Pittard signe un documentaire époustouflant sur la maladie, la sienne, celle de l’hôpital  celle de son couple, celle des usines. Un petit bijou, n’y allez pas sans vos mouchoirs.

La mer, en noir et blanc, la marée est haute. Un gaillard chauve branche sa caméra dans sa maison, il dit “j’ai fait le con”. Il raconte qu’il a perdu la mémoire un  2 juillet, ce jour-là sa vie a basculé. Il  apprend qu’il a les poumons en vrac et qu’en plus, il traîne une leucémie.  Voilà notre Eric cloué dans un lit d’hôpital, tissant des liens avec les médecins qui tentent des blagues comme ils peuvent et des infirmières qui accompagnent. Lui, avant ça, il était reporter, il a fait le tour du monde. Au retour d’un trip, il rencontre Leila, Marie Raynal, qu’il aime et désire de tout son cœur.

Le film livre dès le premier instant la réponse à la première question : oui, il s’en sort. Mais qu’attend la société d’un cancéreux en rémission ? Et bien qu’il aille bien, très bien jusqu’à son pieu où la maladie ne doit pas exister. Voici le couple passant l’épreuve du feu, celle où l’hôpital, amant indésirable s’invite, imposant ses heures, ses insomnies et ses effets secondaires.

Eric Pittard rejoue le match, et reprend la caméra, son histoire s’accompagne cette fois de musique, un jazz légèrement expérimental,superbement mélodique. Cette fois, les médecins sont des comédiens mais quand sa mémoire se rappelle à lui, les images sont issues, en couleur cette fois, de ses reportages worldwide mais surtout et avant tout des recoins, des endroits où le corps souffre : parmi les mineurs, les grévistes, les agriculteurs. Il raconte une crise sociale qu’il traverse différemment  La sécu l’a dit, il est invalide, il n’a plus le droit de travailler. Il rebondit, il filme plus prés en allant côtoyer les SDF qui campent sur le Canal Saint Martin.

Très vite, une émotion contenue envahit le film et l’image maîtrisée  Le réalisateur-acteur dit avoir été formé à l’Idhec où régnaient Jean Rouch et Chris Marker. Cela est là, cette réalité en mieux, en plus grand, en plus vrai. Sa reconquête du corps social passe par la reconquête du corps tout cours que la médecine lui a pris. C’est dans une scène incroyable, filmée au siège du PC à Paris, véritable temple futuriste, que Jackie Berroyer en spécialiste de la greffe de moelle osseuse et Eric Pittard en patient devisent sur le désir :  “le sang irrigué le membre, mais qu’est-ce qui irrigue le désir ? “.

La maladie est partie mais les conséquences restent. La vie a changé définitivement. A la fois documentaire et film d’auteur, De l’usage du sextoy en temps de crise est un cours de caméra, intime et sensible, venant chercher jusqu’aux recoins des âmes sans jamais aucun voyeurisme.

De l’usage du sex toy en temps de crise, 22 mai 2013, (1h 35min), Sophie Dulac Distribution

Visuels: @ ADR PROD
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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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