![[Critique] « Inherent vice » : P. T. Anderson n’écoute que lui-même. Brillant mais lassant](https://toutelaculture.com/wp-content/uploads/2015/03/Inherent-vice-640x361.jpg)
[Critique] « Inherent vice » : P. T. Anderson n’écoute que lui-même. Brillant mais lassant
Que penser de cette nouvelle tentative de grand film absolu, par le plus perfectionniste des cinéastes américains ? C’est une barque très chargée, voguant à un rythme trop uniforme. Mais la traversée vaut quand même le coup : elle recèle des pépites… un peu déliées.
[rating=3]
Autant prévenir d’emblée : Inherent vice vient enfoncer un clou. Celui de la métamorphose du style de Paul Thomas Anderson. Depuis 2008 et There will be blood, on sait que son cinéma a changé de visage, de façon radicale. Adieux éblouissants panoramiques embrassant neuf vies plutôt qu’une. Place à des plans carrés, pensés avec une précision maniaque. Etudiés jusqu’à la lourdeur. Ou jusqu’à une nausée qu’on imagine peut-être recherchée… L’effet est-il au rendez-vous ici ?
Bonne nouvelle, pour commencer : le film, situé dans le Los Angeles de 1970, fait exister une multitude de figures. Chacun a une partition à défendre, même lorsqu’il n’a qu’une scène. La psychologie du héros, Larry Sportello, détective privé hippie joué par Joaquin Phoenix, apparaît claire. Tout autant que le scénario, qui l’amène à mettre le doigt dans les activités conjuguées de criminels et de fédéraux, tirant tous parti de l’euphorie des années 70 à des fins néfastes. Une euphorie que Larry a connu, en compagnie de Shasta (Katherine Waterston), jeune femme pleine de vices portée disparue. Shasta avec laquelle il aimerait passer le restant de ses jours…
Mais s’il n’égare pas, Inherent vice finit par lasser quelque peu. Car il ne joue que sur une seule note. Filmer toute une scène en un plan américain unique a du sens lorsque Larry rencontre Jade (Hong Chau) dans un club érotique. Et qu’elle improvise, par terre, un acte sexuel avec une collègue. On rit. Mais le procédé interviendra trop ensuite, et perdra son sens. Les plans pourront apparaître lourds et significatifs. Le liant manque, comme dans cette longue scène où Martin Short, vieilli et étonnant, apparaît en médecin fou. Un passage qui monte, qui monte… et dont on ne voit pas l’apothéose. Joaquin Phoenix, quant à lui, semble lentement s’éteindre…
De même, peindre une époque de façon réaliste, et en même temps stylisée, revient à courir trop de lièvres à la fois. On ne ressent pas le vertige de la drogue, et pas assez l’enthousiasme de ce temps. Josh Brolin, graphique comme un personnage dessiné, a beau s’activer, il ne nous accroche pas. Quelques scènes éblouissent, surtout au début : l’arrivée de Larry, grimé, dans la villa du magnat Wolfmann, où un échange de regard entre lui et la femme du millionnaire laisse médusé ; les souvenirs en surimpression que notre héros a de Shasta ; la rencontre avec Hope (Jena Malone), ancienne droguée… Mais la mayonnaise de Paul Thomas Anderson a du mal à prendre. La proximité avec cet univers semble ardue à établir. On sent peu d’humanité, et trop d’intentions artistiques. Et le plat ne donne même pas mal au cœur. On pourrait vomir à l’idée du monde exposé, mais le cinéaste a oublié d’exciter notre sensibilité…
Inherent vice, un film de Paul Thomas Anderson. Adapté du roman de Thomas Pynchon. Avec Joaquin Phoenix, Josh Brolin, Owen Wilson, Jena Malone, Serena Scott Thomas, Martin Short, Martin Donovan, Keith Jardine, Reese Witherspoon, Benicio Del Toro. Policier américain. Durée : 2h30.
Visuels : © Warner Bros France
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One thought on “[Critique] « Inherent vice » : P. T. Anderson n’écoute que lui-même. Brillant mais lassant”
Commentaire(s)
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Matthias Turcaud
J’aurais été un peu moins sévère, un peu plus généreux. Le film offre tout de même un sacré voyage. Bien dépaysant et souvent hilarant !