Cinema
[Cannes 2021, Compétition] “Flag Day” : Sean Penn acteur à son meilleur, dans un film où l’épilogue manque

[Cannes 2021, Compétition] “Flag Day” : Sean Penn acteur à son meilleur, dans un film où l’épilogue manque

11 July 2021 | PAR Geoffrey Nabavian

Dans le nouveau film qu’il interprète et réalise, Sean Penn éblouit par son jeu, mais achève son récit de façon un peu bancale.

Jeune femme brillante, Jennifer Vogel a connu un parcours difficile avant de réussir à mener son existence comme elle l’entendait. La faute, essentiellement, à son père John, resté toujours un voyou et un menteur. Attaché à bâtir, avec sa femme, une ferme idéale pour élever sa fille et son frère, il finit par s’enfuir et laisser tomber ce foyer. Affirmant ensuite à ses enfants qu’il va les faire vivre avec lui, il ne les accueille au final qu’un été – leur offrant barbecues, plongée, promenades en bateau… – avant de les rendre à leur mère noyée dans l’alcool. En manque de repères, et droguée, à l’adolescence, Jennifer est en plus victime d’une tentative de viol par le petit ami de sa mère : elle part donc retrouver son géniteur, pour essayer de se bâtir une vie meilleure avec lui. Peine perdue : la délinquance et les mensonges tiennent John.

Cet homme victime de vices graves est interprété par Sean Penn. Charismatique lorsqu’il incarne la figure paternelle adorée de ses jeunes enfants, il devient génial à l’écran dès lors que Jennifer fonce le retrouver :  vieilli, les traits tombants, il passe d’une émotion à l’autre, bouffant l’image, toujours avec justesse. Souvent filmé en gros plan, son visage accuse le coup des années, et dans de nombreuses scènes, donne l’impression qu’il se met à nu côté émotions, qu’il se livre face au spectateur, et parle des démons qui le rongent dans la vraie vie. D’attachant et débordant de vie, il parvient tout d’un coup à devenir détestable.

Flag Day est également un film qu’il signe en tant que réalisateur. A ce titre, il confie l’autre rôle central de son scénario à sa véritable fille, Dylan Penn, et celui de son frère à son fils Hopper Jack Penn. La présence à l’écran de ses deux enfants – qu’il a eu avec Robin Wright – donne aux situations décrites dans le film une valeur supplémentaire, car on se questionne sur la part de symbolique – et de vérité – de ce scénario. Cet aspect autobiographique et personnel de Flag Day émeut. Tentant tout pour, d’une certaine manière, “laisser de belles traces”, John laisse en fait derrière lui “des cœurs brisés“, confie sa fille en voix-off : on se prend à penser à ce que de telles affirmations disent de Sean Penn en tant que personne.

Le film comporte des complaisances, des séquences durant trop ou des passages où des images s’enchaînent sur fond de musique un peu trop nombreux. On peut pardonner ces petites fautes de goût, à l’exception d’un souci qui laisse un peu, au final, le récit au sol : la fin du film est trop brutale. Elle apparaît mal construite, et la présence d’un épilogue un peu recherché n’aurait pas été de trop, et aurait offert davantage de force à l’histoire, davantage de valeur. D’autant plus dommage que l’on emporte du film le souvenir d’une grande interprétation de la part de Sean Penn.

Flag Day est présenté au Festival de Cannes 2021 en Compétition.

Retrouvez tous les films du Festival dans notre dossier Cannes 2021

*

Visuel : © Allen Fraser/2021 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc – Tous droits réservés

Avignon OFF : Ensemble c’est mieux à la Belle scène Saint-Denis
Gagnez 2 places “Mailles” de Dorothée Munyaneza en Grande Salle du Centre Pompidou.
Avatar photo
Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration