[Cannes] “Victoria”, une folie très juste pour ouvrir la Semaine de la Critique
Réaliste et décalé juste ce qu’il faut, le deuxième film de Justine Triet sait nous transmettre sans problème sa folie.
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Victoria, c’est une galerie de personnages délirants, la plupart quarantenaires, tous immatures. Il y a Vincent (Melvil Poupaud, dans un beau numéro de maudit), homme impulsif accusé d’avoir blessé sa compagne avec un couteau lors d’un mariage. Il y a David (le grand Laurent Poitrenaud), écrivain marginal résolu à révéler tous les détails de sa dernière relation en date. Il y a la Victoria du titre (Virginie Efira), qui fut la compagne en question de David, et doit désormais défendre Vincent à son procès. Et il y a l’un de ses précédents clients, le mystérieux Samuel, dealer rangé joué par Vincent Lacoste, qui va bientôt s’installer chez elle, pour garder ses deux filles…
Justine Triet (La Bataille de Solférino), par sa mise en scène discrètement décalée, sait inscrire cette troupe de gens bizarres dans un univers fort : on aime, par exemple, le décor de tribunal ultramoderne qu’elle nous propose ; ou l’avancée du procès, de plus en plus absurde. On remarque aussi l’art qu’elle a de doser la durée : au cours de ses aventures, Victoria reçoit notamment chez elle des hommes, rencontrés via Internet. Les échanges sont cocasses, les acteurs, excellents, et la réalisatrice sait donner à ces moments comiques un format de scène de cinéma.
Si, au final, Victoria raconte tout simplement la naissance d’un sentiment amoureux, et si l’aspect haché peut faire craindre la succession de sketches, on se trouve, en fin de compte, face à un film tenu et très cohérent, où le côté décalé reste juste, car destiné à servir une vision du monde. Pas si fréquent.
Visuel : © Audoin Desforges