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Cannes 2023 : Un Certain Regard porté sur les cinéastes en construction et les vies qui changent

Cannes 2023 : Un Certain Regard porté sur les cinéastes en construction et les vies qui changent

14 April 2023 | PAR Geoffrey Nabavian

Pour le Festival de Cannes 2023, Un Certain Regard rassemble en son sein des visions qui s’annoncent personnelles et passionnantes.

Le Festival de Cannes révèle ceux qui figurent au sein de l’une de ses sections parallèles, et vont avoir la chance d’être projetés durant sa 76e édition. A deux pas de Ruben Östlund et du jury dont il va être le Président cette année, chargé de décerner la Palme d’or, entre autres prix, cette sélection-ci apparaît composée avec davantage de sensibilité, à première vue, que celle de la Compétition, pour cette année.

Cinéastes en construction que l’on a envie de suivre

A part Monia Chokri – autrice du récent Babysitter et de retour ici avec Simple comme Sylvain, comédie romantique québécoise a priori personnelle sur une professeure lâchant sa vie pour un charpentier – le cru retenu permet de recroiser pas mal de réalisatrices et réalisateurs déjà révélés mais pas si revus que ça ensuite sur les écrans de cinéma. On félicite d’avance Un certain regard de les aider à “grandir” et s’établir, et d’offrir aux spectateurs du Festival une fenêtre sur leur avancée dans le champ du cinéma. A commencer par Thomas Cailley, applaudi avec Les Combattants – présenté dans le cadre de la Quinzaine des cinéastes, en 2014 – et de retour cette fois avec Le Règne animal. Un long-métrage de science-fiction abordant à la française le thème des mutants, en peignant un avenir voyant naître des hommes-bêtes. Et un travail artistique qui ouvrira la section, cette année. Avec Romain Duris et Adèle Exarchopoulos au sein de la distribution.

C’est le duo Joao Salviza, signataire seul de Montanha, sorti en 2016, et Renée Nader Messora, autrice avec lui du Chant de la forêt en 2018, que l’on retrouve avec Crowra, centré a priori sur l’itinéraire introspectif d’un jeune indien Krahô du Brésil. A ce titre d’autre part, les indiens Onas du Chili sont évoqués eux dans le long-métrage de Felipe Galvez titré Les Colons, qui peint la bataille sanglante pour les terres destinées à l’élevage de moutons au sein de la Patagonie au début du XXe siècle, ponctuée de massacres.

La réalisatrice Stéphanie Di Giusto refait parler d’elle également : applaudie en 2016 avec La Danseuse, elle revient avec Rosalie, histoire d’une “femme à barbe” dans la France de 1870. Avec Nadia Tereszkiewicz dans ce rôle.

De même, un autre long choisi permet de suivre deux réalisateurs déjà un peu remarqués, Ali Asgari (Juste une nuit) et Alireza Khatami (Les Versets de l’oubli) : le titre du travail qu’ils signent à deux est Terrestrial verses.

Parmi les appelés se trouvent aussi le réalisateur singapourien Anthony Chen, gagnant de la Caméra d’or à l’issue du Festival 2013 avec son premier long-métrage Ilo Ilo, et signataire de l’attachant Wet season, sorti dans les salles de France en 2020 juste avant l’épidémie mondiale de coronavirus. Dans son nouveau long, The Breaking Ice, il cadrera trois vingtenaires, leurs rapports et leurs existences. La situation est un peu la même avec l’australien Warwick Thornton, que l’on voit ici aussi sélectionné : il a gagné la Caméra d’or à la fin du Festival 2009, avec son premier long Samson & Delilah. Le revoici avec The new boy, histoire d’un jeune aborigène d’Australie, orphelin et recueilli dans un monastère en 1940. Avec Cate Blanchett au sein de la distribution. 

Scénarios sur des vies changeantes ou bouleversées

Un certain nombre d’autres films programmés pour être projetés évoquent les changements de vie ou les bouleversements pouvant radicalement transformer les existences. Ainsi, Molly Manning Walker prend le parti de décrire, dans l’a priori percutant How to have sex, les vacances d’été d’adolescents britanniques à Majorque, devant les amener surtout à faire l’amour pour la première fois, et ce même si une certaine violence consumériste règne dans l’atmosphère. L’artiste belge multicartes Baloji Tshiani retrace de son côté, dans Augure, le retour au pays en République Démocratique du Congo d’un homme banni par ses proches car considéré comme un “zabolo”, un sorcier. La Mongolie invite aussi son cadre : Zoljargal Purevdash brosse avec If only i could hibernate le portrait d’enfants devant survivre seuls dans la pauvreté, au seuil de l’hiver, lorsque leur mère est contrainte d’aller chercher un travail loin. Quant à Kamal Lazraq, il place l’action de son long Les Meutes dans le milieu de la délinquance au Maroc de nos jours, avec un père et un fils encombrés d’un cadavre.

Rodrigo Moreno peint, dans Los delincuentes, l’itinéraire de deux hommes disant non au travail et aux règles de l’ordre social au cœur de l’Argentine d’aujourd’hui, en se procurant de l’argent par voies détournées. Mohamed Kordofani, lui, s’attache dans Goodbye Julia à une femme chanteuse voulant à tout prix expier une faute dans un Soudan du Sud sur le point de faire sécession, avec conséquences, en 2011.

Asmae El Moudir produit, elle, avec La Mère de tous les mensonges, un film a priori aux allures documentaires, dans lequel elle confronte, au Maroc, ses parents à une photo sur laquelle elle est censée figurer enfant, bien qu’elle ait des doutes que ce soit elle.

Enfin, parmi les sélectionnés, Kim Chang-hoon met en scène, avec Hopeless, des protagonistes prenant des risques pour changer de vie à tout prix au sein de la Corée du Sud actuelle. Un sujet plus éprouvant encore est mis au centre du film de Delphine DelogetRien à perdre : une femme mère célibataire adorant ses deux enfants voit l’un d’eux lui être retiré par les services sociaux lorsqu’il se blesse, une nuit où elle travaillait. Elle se bat en conséquence. Avec Virginie Efira dans le rôle central. Le point d’orgue sans doute fort et émouvant d’une suite de longs-métrages composée avec énormément de sens et de goût, au premier abord.

Cannes Première : deux retours, deux continuités

Née pour le Festival 2021, cette section parallèle désormais plus petite programme cette année 2023 le nouveau film de l’espagnol Victor Erice, Fermer les yeux, qui est aussi son quatrième long-métrage de fiction en cinquante années. Face à lui, le retour de Takeshi Kitano a lieu : désormais âgé de 76 ans, l’homme vient présenter Kubi, film d’action dans le Japon du XVIe siècle, peut-être sanglant. L’occasion de voir si ces deux cinéastes, qui ont effectué leurs carrières sur de longues années, apportent aujourd’hui du neuf dans leur art.

Cette section convoque d’autre part Martin Provost, avec son long-métrage Bonnard, Pierre et Marthe, centré sur le rapport entre un peintre réel, et celle qui l’inspira de manière monumentale. Avec dans ces deux rôles, Vincent Macaigne et Cécile de France. Quant à Katell Quillévéré, conviée elle aussi, elle imagine dans Le Temps d’aimer le parcours en 1947 d’une fille partant avec un garçon qui n’est pas de son milieu pour fuir quelque chose, sans savoir que lui aussi fuit. Avec notamment Anaïs Demoustier au premier plan des interprètes. En considérant ces deux films-ci, on remarque qu’ils creusent des sillons, via leurs scénarios, qui obsèdent un peu celle et celui qui les réalisent : la peinture et les rapports entre homme et femme pour Martin Provost, signataire de Séraphine et La Bonne Epouse, ainsi que la fuite et l’amour pour Katell Quillévéré, qui signa Suzanne. L’occasion pour ces cinéastes établis et récompensés de considérer le point où ils en sont dans leur parcours.

Le Festival de Cannes 2023 se déroulera entre le 16 et le 27 mai.

Pour découvrir tous les films qui seront montrés en Compétition pour la Palme d’or et Hors Compétition, cliquez.

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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